La Bulgarie soutient la candidature turque à l’Union européenne

Membre imminent de l’Union européenne, la Bulgarie est favorable à un élargissement de la communauté à la Turquie voisine. Les gouvernements turcs et bulgares ont réitéré au cours de l’année 2006 leur volonté de poursuivre leur coopération sur le plan politique, économique et culturel.


drapeau turqueLa Bulgarie et la Turquie se sont apportées en 2006 un soutien mutuel à leur candidature à l’UE, chacune se félicitant des succès de l’autre: ouverture des négociations d’adhésion fin 2005 pour Ankara, confirmation d’adhésion au 1er janvier prochain pour Sofia. Les deux pays s’attachent depuis plusieurs années à développer leurs relations sur les plans politique, économique et culturel.

Depuis que la Bulgarie est entrée dans l’OTAN et qu’elle s’est portée candidate à l’UE, la coopération politique avec la Turquie s’est sensiblement accrue, les deux voisins se retrouvant dans une même optique européenne et euro-atlantique. Établir des relations bilatérales au plus haut niveau avec ses voisins est une des priorités du gouvernement bulgare. Cela concerne en premier lieu la Turquie et ses 72 millions d’habitants, pays héritier de l’Empire Ottoman, qui domina la Bulgarie pendant près de cinq siècles, et dont la stabilité est indispensable à la région. Les deux pays ont par ailleurs un rôle commun à jouer pour le maintien de la sécurité et de la stabilité en Europe du Sud-Est et dans la région de la mer Noire. La Bulgarie encourage donc la Turquie à poursuivre la mise en place des réformes exigées par l’UE et ses efforts pour remplir les critères d’adhésion, et à cet égard souhaite partager ses propres expériences avec Ankara. Sofia considère néanmoins que chaque pays doit être évalué selon les mêmes critères et selon ses mérites propres, la candidature de la Turquie ne devant pas faire exception.

La Turquie, premier partenaire de la Bulgarie dans les Balkans

Sur le plan économique, la Bulgarie s’est naturellement intégrée dans la coopération mise en œuvre depuis plusieurs années entre l’UE et la Turquie. Les relations entre les deux pays se développent à un rythme soutenu: les échanges commerciaux ont été multipliés par quatre ces sept dernières années, atteignant un montant de 2,3 milliards de dollars en 2005. La Turquie est désormais le quatrième partenaire commercial de la Bulgarie, et son premier partenaire dans la région balkanique. Les deux pays se sont engagés cette année à favoriser davantage les investissements de part et d’autre de la frontière. Actuellement, il existe en Bulgarie plus de 2500 sociétés à participation turque, dont certaines travaillent sur des projets d’infrastructures financés par l’Union européenne. Les entreprises turques sont invitées à venir encore plus nombreuses, le gouvernement bulgare se félicitant des conditions réunies pour les accueillir: stabilité politique, financière et macroéconomique, réformes fiscales abouties, main d’œuvre formée selon les critères européens. Le pays est d’autant plus attractif qu’une fois membre de l’UE, son potentiel économique ne va cesser de s’accroître. Investir en Bulgarie signifiera bientôt être présent sur le marché commun, ce qui n’est pas négligeable[1]. A l’inverse le gouvernement bulgare espère renforcer sa présence chez son grand voisin. Dans le cadre des relations économiques bulgaro-turques, priorité est également donnée au développement des infrastructures, à la modernisation des postes frontières, à la coopération transfrontalière (lutte contre les trafics en tout genre) et aux questions énergétiques, le tout avec l’aide des fonds européens.

La Bulgarie souhaite enfin accroître la coopération culturelle dans la région balkanique. Ainsi, Varna a accueilli en juin dernier le Conseil des Ministres de la Culture de l’Europe du Sud-Est (dont la Turquie), auquel ont pris part également des représentants du Conseil de l’Europe et de l’UE. Le but des Conseils est notamment d’œuvrer pour la protection de l’héritage culturel de la région. La coopération culturelle, grâce aux échanges touristiques par exemple, est aussi un axe central des relations Bulgarie-Turquie.

Les Turcs, première minorité de Bulgarie

Derrière ces engagements officiels, il faut aussi rappeler le rôle que joue la communauté turque en Bulgarie, et son poids démographique, social et politique considérable. La minorité turque est la première de Bulgarie, avec 9,5% de la population totale (chiffre 2001). Depuis la chute du régime de Jivkov en 1989 et le rétablissement des droits constitutionnels de la communauté, celle-ci n’a cessé de s’affirmer sur le plan politique. Le parti qui la représente, le Mouvement pour les Droits et les Libertés (MDL) dirigé par Ahmed Dogan, est particulièrement influent, et contribue depuis sa création en 1990 à l’équilibre de l’échiquier politique bulgare. Depuis les élections législatives de 2005, le MDL fait partie de la coalition de gauche au pouvoir en Bulgarie, avec le parti socialiste (BSP: parti du Président Gueorgui Parvanov réélu en octobre dernier) et le Mouvement national Siméon II (NDSV). Ce succès marque la réussite de la réintégration sociale et politique des Turcs de Bulgarie, et fait de ce pays un modèle de coexistence intercommunautaire si on le compare à ses voisins des Balkans.

L’extrême droite au second tour

Néanmoins la récente poussée de partis nationalistes est inquiétante. Aux élections présidentielles d’octobre, quatre personnalités issues de mouvances extrêmes étaient candidates. Le second tour a opposé le Président sortant Parvanov à Volen Siderov, leader du parti Ataka, particulièrement virulent à l’égard des minorités et opposé à l’entrée de son pays dans l’Union européenne. En visite à Paris, le Premier Ministre bulgare Serguei Stanichev a souligné le 13 octobre, lors d’une conférence de presse, que le populisme de l’extrême droite «n’est pas une recette de l’Europe centrale et orientale et que de tels mouvements, qui jouent sur les incertitudes des gens, existent également dans les pays de l’Europe de l’Ouest». Le Premier Ministre a ajouté qu’il s’agissait d’un problème commun à tous les membres de l’Union, et a exprimé sa conviction que la société bulgare «pourra surmonter ce risque et démontrera sa maturité politique».

Il reste que la montée d’un parti nationaliste chez son plus proche voisin ne peut qu’inquiéter la Turquie pour l’avenir de sa candidature. Ankara reproche déjà à l’Union européenne de retarder systématiquement les négociations et manifeste de plus en plus son impatience et son mécontentement. Elle se sait la première concernée par l’opposition croissante que suscitent les futurs élargissements en Europe. D’ailleurs, les divergences chez les intellectuels turcs quant à l’adhésion de leur pays à la communauté sont de plus en nombreuses. Dans un contexte politique qui s’annonce de plus en plus difficile, les relations bulgaro-turques sauront-elles être suffisamment solides ?

 

* Amélie BONNET est diplomée de l'EDHEC
Photo : © Célia Chauffour

 

[1] La prochaine adhésion de la Bulgarie est aussi une opportunité pour les étudiants turcs. Ils sont de plus en plus nombreux à venir étudier dans les universités bulgares, dont les diplômes bientôt européens leur ouvriront, espèrent-ils, des portes vers l’ouest.