La fabuleuse histoire de l’île croate de Vis

Vis, île au milieu de l’Adriatique, située à 45 km des côtes dalmates est la plus éloignée du littoral croate. Elle compte aujourd'hui 3.500 habitants. Sa superficie est de 90,3 km2.


Un ferry à partir de Split assure la liaison deux fois par jour entre l’île de Vis et le continent. La longueur totale de sa côté est de 77 kilomètres. Elle bénéficie de l’ensoleillement le plus élevé de toutes les îles de l’Adriatique. Dans son isolement, elle est aussi exposée à des vents plus forts que toutes les autres grandes îles voisines. Sa population totale est d’environ 3.500 habitants, alors que sous l’Empire austro-hongrois, une période particulièrement faste pour Vis, 10.000 personnes, presque toutes croates, peuplaient ce petit territoire. Cette île excentrée est porteuse d’une histoire exceptionnelle, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale et à l’époque de la Yougoslavie socialiste, qui s’inscrit dans son patrimoine paysager et architectural.


1. Immeuble de style vénitien à Vis

L’île, connue dans l’Antiquité sous le nom d’Issa, jouissait alors d’une excellente position stratégique pour le contrôle des routes maritimes dans l'Adriatique. Des marchands grecs venus de Syracuse y fondent une colonie au IVe siècle avant notre ère. Au premier siècle avant JC, l’île devenait une partie de l'Empire romain avant de subir, au Moyen-âge, diverses invasions. La domination vénitienne à partir du XVème siècle apporta une ère de prospérité et de stabilité exceptionnelles. Quand bien même la population est croate depuis le haut Moyen-âge, le dialecte qui est encore parlé aujourd’hui sur l’île comprend deux tiers de mots d’origine latine ou italienne. Après la chute de la République de Venise et l’épisode napoléonien des Provinces illyriennes, Vis passa sous la domination des Habsbourg. Du début du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, elle fournissait en anchois et en vin les villes de Trieste, Pula et Graz. En 1910, presque un tiers de l'île était recouvert de vignes.


2. Ancien Aérodrome devenu auberge

Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l'île de Vis fut, en 1941, occupée par l'Italie fasciste qui y systématisa sa politique d’italianisation. La répression violente favorisa le mouvement des partisans de Tito, d’autant plus que les cadres des partis traditionnels croates avaient été tous expulsés du territoire. Après la capitulation de l'Italie en septembre 1943, l’île passa aux mains des partisans. Vis fut la seule partie de la première Yougoslavie (1918-1941) à ne pas être occupée par l'armée allemande. Un aérodrome militaire allié (à présent recouvert de vignes) fut mis en place pour l’accueil des pilotes britanniques.


3. Monument aux morts britanniques

Grâce à sa position stratégique, l'île a servi de point de contact entre Alliés et de base de secours pour l'aviation anglo-américaine. Des centaines de combattants britanniques y ont donné leur vie. Le célèbre Fitzroy Hew Royle Maclean, officier des SAS, (Special Air Service) et source d'inspiration de Ian Fleming pour créer son personnage de James Bond, se retrouva, dès 1943, sur l'île de Vis. Il aurait joué un rôle décisif pour convaincre W.Churchill et le gouvernement britannique de soutenir Tito et ses partisans au détriment des Tchetniks royalistes progressivement compromis dans la collaboration. Après la contre-offensive allemande en Dalmatie, Tito se réfugia, début 1944, sur l'île de Vis et y installa son quartier-général jusqu’à la libération de Belgrade en octobre 1944. De facto, Vis devint le centre de l'autorité civile, militaire et politique de la nouvelle Yougoslavie. Le 16 juin 1944, du fait de la pression des Britanniques admiratifs de l’efficacité de la résistance des partisans contre l’occupant allemand, un accord est signé entre Tito et le gouvernement provisoire yougoslave, dirigé par le Dr. Ivan Subasic, (appelé le «traité de Vis»). Le gouvernement royal en exil à Londres reconnût «les réalisations nationales et démocratiques du mouvement des partisans». La Yougoslavie devint alors communiste. En accord avec les Alliés, les partisans yougoslaves organisèrent d’ailleurs l'évacuation, via l'île de Vis et l'Italie, de 33.000 réfugiés dalmates parmi lesquels les victimes de persécutions raciales. Environ 28.000 d'entre eux seront regroupés, jusqu'en 1947, dans un camp de réfugiés au pied du Sinaï, à El-Shatt (Égypte).


4. Agrumes de l’île de Vis

Dans la Yougoslavie socialiste en raison de sa position stratégique, l’île resta fermée aux étrangers et transformée en une véritable forteresse jusqu’en 1989, avec 30 installations militaires dont un hôpital et un tunnel souterrain pour les navires de guerre. L’Armée yougoslave quitte l'île le 30 mai 1992, près de six mois après la reconnaissance internationale de la Croatie. Aujourd’hui, outre le tourisme dans cette île si magnifiquement préservée, l’une des principales ressources agricoles sont les citrons et les mandarines dont la production s’écoule mal depuis que l’un des principaux marchés extérieurs, la Russie, s’est fermé du fait des dernières évolutions géo-politiques.

Vignette : Vue de l’île de Vis.

Photographies : Luc Lévy, 2014.

* Chercheur indépendant.