Le paradoxe roumain

Un vrai paradoxe caractérise la situation énergétique de la Roumanie. Les consommations d’énergie et d’électricité par habitant y sont inférieures à la moyenne de l’Union Européenne, et pourtant, les gaspillages sont énormes.


réseau électrique roumainLe sol de la Roumanie, riche en ressources énergétiques, fait de ce pays le premier producteur de pétrole et de gaz de l’Europe Centrale et Orientale. La Roumanie dispose également d’une importante industrie minière (charbon et surtout lignite). Bien que vieillissants, les moyens de production d’énergie, hérités de l’ère Ceausescu, sont très développés et permettent de couvrir 78 % des besoins en énergie primaire. Estimée à 54,7 TWh, la production nationale d’électricité est répartie entre les centrales thermiques (62 %), les barrages hydrauliques (28 %) et la centrale nucléaire de Cernavoda (10 %).

La majeure partie de la production d’électricité est donc d’origine thermique. D’autre part, elle est particulièrement polluante, puisque le principal combustible utilisé est le charbon - en particulier de la lignite et de la houille, de qualité médiocre, à forte teneur en cendres et en humidité. Les autres combustibles sont le fioul lourd et le gaz. Par ailleurs, 40 % des centrales thermiques fonctionnent en système de cogénération (production combinée d’électricité et de chaleur), pour l’alimentation en chauffage urbain et eau chaude d’un grand nombre de villes (plus d’une soixantaine).

De nombreux défis

Depuis la disparition de Ceausescu en 1989, la crise économique a entraîné de grands bouleversements industriels et la fermeture de nombreux conglomérats, ce qui a fait chuter la consommation interne d’électricité. La production nationale d’électricité est alors devenue excédentaire. Cependant, la consommation d’énergie finale et la consommation d’électricité par habitant en particulier, vont assurément augmenter à l’avenir en raison du développement économique attendu, du processus de modernisation en cours, de l’amélioration du confort dans les logements (hausse des taux d’équipements électroménagers, développement des systèmes de chauffage central, etc.), de l’augmentation du parc automobile et des infrastructures de transport, bref du processus d’harmonisation européenne qui devra accompagner l’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne, en janvier 2007.

Cet engagement va imposer de nombreux défis, notamment en matière de production et de consommation d’électricité. Tout d’abord, la Roumanie va devoir produire “plus propre“. Comme la production est excédentaire, une grande partie du parc ne fonctionne donc que partiellement (en régime de base), occasionnant ainsi une pollution plus importante au kilowattheure produit. De plus, le parc de centrales thermiques est vieillissant, la majorité des centrales ayant plus de 10 ans et 50 % ayant plus de 20 ans, avec de très mauvais rendements (plutôt proches de 30 % pour celles au charbon et à peine supérieurs à 40 % pour celles au fioul et au gaz).

Le processus en cours de reprise de l’acquis communautaire environnemental implique un alignement sur les normes européennes en vigueur (directive 2001/80/EC sur les installations de grande combustion). Des améliorations seront à apporter, notamment sur les centrales thermiques à charbon qui ne sont pas encore dotées de stations d’élimination des NOX (oxydes d’azote), ni de systèmes de désulfuration. Le renouvellement de ces centrales constituera donc une étape importante et obligatoire du processus d’adhésion.

Les règles de l’UE imposeront aussi l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. Jusqu’en 1998, la production d’électricité roumaine était un domaine d’état et la régie RENEL possédait l’ensemble des moyens de production et de distribution du pays. En 1998, ce service a été transformé en société commerciale (CONEL), laquelle a été ensuite scindée en plusieurs entreprises. Aujourd’hui, trois compagnies, Termoelectrica, Hydroelectrica et Nucleareletrica assurent la production, une compagnie, Transelectrica, s’occupe de son côté du transport et de la gestion du réseau et une dernière entreprise, Electrica, se charge de la distribution. Quelques producteurs indépendants ont également vu le jour. La libéralisation du secteur de l’électricité qui doit être achevée en 2007 est donc en bonne voie.

Le comportement des usagers doit changer

L’alignement aux législations européennes en vigueur impliquera enfin de faire des efforts importants de maîtrise des consommations d’énergie (notamment d’électricité) et de réduction des intensités énergétiques. Des changements radicaux, à la fois en termes d’amélioration du comportement des usagers, mais aussi de la performance des équipements seront donc nécessaires.

Ainsi, la Roumanie, en raison de la modernisation du pays et de sa future adhésion à l’Union Européenne, va devoir faire face à des enjeux considérables du strict point de vue de l’offre et de la demande d’électricité. Tout d’abord elle va devoir moderniser et rénover le parc de centrales thermiques, en le mettant aux normes européennes, en réduisant les émissions induites de polluants atmosphériques et en améliorant les rendements de production. Aujourd’hui en capacité excédentaire, le risque est qu’elles deviennent déficitaires sous l’effet de la hausse des consommations, situation qui pourrait être évitée par la mise en place d’un plan de modernisation.

Il faudra aussi veiller à respecter les contraintes liées à la nouvelle directive européenne qui impose à l’horizon 2010 que la production d’électricité provienne à 22 % de ressources renouvelables. Par ailleurs, la politique énergétique roumaine va devoir promouvoir la MDE (maîtrise de la demande d’électricité). Etant donnée l’importance de son intensité énergétique, elle bénéficie d’un énorme potentiel d’efficacité énergétique. Des résultats peuvent donc être attendus dans tous les secteurs d’utilisation de l’électricité : éclairage domestique, éclairage public, appareils électroménagers performants, cuisson, chauffage, ventilation, climatisation, bureautique, force motrice dans l’industrie, etc., afin de freiner la croissance des consommations d’électricité tout en évitant une extension trop forte du parc de centrales.

 

 

* Thierry MERAUD et Jérémie BERNARD sont consultants chez GREEN Etudes et Conseil