Le rapana, spécialité culinaire criméenne

Salé, confit ou fumé, le rapana peut se déguster à toutes les sauces. Derrière cette spécialité culinaire particulièrement apprécié des Criméens, se cache un mollusque carnassier aux effets dévastateurs. Portrait d’un envahisseur marin.


Caractéristique de la faune sous-marine de la mer Noire, le rapana est un mollusque imposant. Engoncé dans une coquille jaune clair à rouge-marron, aux couleurs chatoyantes rayées ou tachetées, il peut atteindre 19 cm de hauteur pour 12 cm de diamètre. Plus connu sous le nom scientifique de rapana venosa ou rapana thomasiana, ce gastéropode subaquatique évolue par 50 cm à 10 mètres de profondeur, sur des fonds pierreux et sableux.

Imposteur

Venu de la Mer du Japon sur les coques de navires, le rapana s’est introduit dans les eaux de la mer Noire dans les années 1930. Bon an, mal an, il y a proliféré au point de dévaster, à partir des années 1950, les bancs d’huîtres et de moules de sa mer d’adoption.

Tenace, le mollusque s’est multiplié, prenant progressivement la place de crabes et autres animaux sous-marins. Jusqu’à menacer les araignées de la mer Noire de disparition totale.

La prolifération des rapanas devait pourtant émoustiller les pécheurs. Et les riverains de la mer Noire ne s’y sont pas trompés. Convoitée des fines bouches japonaises, sa chair se vend au prix fort. L’imposteur n’était plus malvenu. Il sera désormais péché en masse.

Chaque année, le long des cotes criméennes, ce sont quelques dizaines de milliers tonnes de rapanas qui sont extirpées de la mer Noire. Les pêcheurs locaux exploitent cette ressource heureuse, passant parfois jusqu’à 700 heures sous l’eau en une saison, de mai à novembre. Entassés dans les calles frigorifiées des bateaux, les mollusques sont ensuite transportés de Crimée en Turquie. Avant d’atteindre, pour une majorité, leur destination finale : le Japon où sa chair y est très prisée. Mais, les rapanas de Crimée se retrouveront aussi dans les assiettes cossues des restaurants de Kiev ou de Moscou. Enfin, officieusement bien sûr. Car le mollusque sera alors certifié d’origine japonaise. Au bonheur de tous. Et en premier des intermédiaires, puisque sa chair, pourtant péchée à quelques encablures de là, y sera revendu jusqu’à 40 euros le kilo.

Fumé ou en shashlik

Savoureuse, la chair du rapana peut être servie salée, confite dans du vinaigre, ou même fumée… En Crimée, le shashlik et la côtelette de rapana font l’unanimité des gourmets. L’idéal étant de le manger façon « choc à la Sébastopol », en laissant mariner le mollusque pendant quelques heures dans du jus de citron, assaisonné de sel, d’oignons et de poivrons rouges.

Par Natalia KANEVSKY
Vignette : recette au rapana (photo libre de droits, attribution non requise)
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