Par Céline Bayou (sources : LETA, Institut letton, TVnet.lv)
Les autorités sont préoccupées depuis longtemps par l’influence des médias russophones sur le territoire letton. Mais, à mesure que l’expression «guerre hybride» se répand en Lettonie, désignant les combats qui se déroulent en Ukraine mais également le rôle d’influence du Kremlin sur certains territoires voisins, la question a pris plus d’acuité. Désignés comme outil de propagande et de désinformation, les médias russes diffusés en Lettonie sont dans le collimateur.
La directrice de l’Institut letton, Karina Petersone, avait déjà tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps à propos de ces questions. Pour elle, le seul moyen de faire contrepoids à la propagande de Moscou est d’offrir aux russophones de Lettonie des informations en russe, mais objectives.
Les députés lettons se sont donc spécifiquement penchés sur la question le 4 février 2015. Et ils ont envisagé la création d’une 3e chaîne de télévision, ainsi que d’une station de radio latgale, qui émettraient en russe à destination d’un auditoire russophone.
Or, il existe déjà une chaîne de télévision (LTV7) et une station de radio (Radio 4) russophones. Alors pourquoi se lancer dans des doublons? Selon Ainārs Dimants, responsable du Conseil des médias électroniques, la demande du public ne porte pas seulement sur l’accès à une information objective mais aussi sur un processus d’identification: «C’est là que commencent les problèmes, par exemple avec Radio 4. Depuis le début de l’agression russe, la population russophone s’est polarisée et il s’avère qu’elle ne souhaite pas du tout entendre la vérité. Par exemple, pourquoi citez-vous Porochenko, pourquoi vous référez-vous au gouvernement ukrainien? Ce n’est pas ça que je veux entendre! Je veux vivre dans le monde auquel je m’identifie, à savoir le monde russe!»
C’est bien pour avoir une idée plus claire du paysage, que le Conseil en question a commandé une étude portant sur les attentes des auditeurs russophones. Et cette étude a apporté quelques réponses: la «guerre hybride» a déjà fait des victimes en Lettonie qu’il sera extrêmement compliqué de convaincre.
La Saeima (Parlement) envisage donc d’apporter des correctifs à la loi sur les médias électroniques mais souhaite placer le débat à un niveau européen, l’enjeu n’étant pas uniquement national. En effet, dans un monde ouvert, les médias russes peuvent être enregistrés dans n’importe quel pays libre et démocratique. Dès lors, leur adresse peut paraître attester leur indépendance et, partant, leur objectivité. Le Conseil letton des médias électroniques va d’ailleurs procéder sous peu à une vérification des contenus diffusés par Rossia 24 notamment, chaîne enregistrée hors de Russie et diffusée en Lettonie. Or, Rossia 24, accusée de propagande, a déjà été interdite dans plusieurs pays.