Norilsk, ville fermée

Vous rêviez de pouvoir arpenter les rues de Norilsk un jour de nuit polaire? Trop tard.


Le 25 novembre 2001, la cité minière a retrouvé son statut de ville fermée, « à accès limité pour les étrangers », selon la terminologie administrative. Après la disparition de l’URSS, la plupart des grandes villes dont l’accès était réglementé s’étaient ouvertes. Seules les villes fermées pour raison stratégique (du fait de la présence d’industries militaires ou nucléaires), étaient restées coupées du monde.

Malgré l’absence de déclarations officielles expliquant les raisons de cette fermeture aux étrangers (Biélorusses mis à part...), les autorités locales n’ont pas caché que leur but était de limiter l’installation de ressortissants des républiques du sud de la CEI et du Caucase. Pour Alexandre Diaguilev, responsable d’un programme d’aide au retour sur le continent (cf. entretien), « il est plus simple de contrôler la venue de nouveaux migrants que de résoudre la question du retour sur le continent des populations vulnérables. Jusqu’au milieu de 1990, Norilsk perdait des habitants ; depuis, la population est en hausse. C’est aussi le cas dans la région des Iamalo-Nenets. Norilsk attire des habitants des républiques pauvres de la CEI. Tout comme l’Europe protège son marché du travail avec l’introduction de visas, Norilsk a décidé de fermer ses portes ».

Le débat autour de la fermeture des villes a donné libre cours à des propos moins mesurés: pour le feu général Lebed, il fallait saisir l’occasion de la fermeture de Norilsk pour « nettoyer la ville». Les autorités de Magnitogorsk, un temps séduites par le repli sur soi, ont estimé quant à elles qu’il serait temps de renvoyer les «hôtes indésirables » qui ont « envahi la ville ».

Limiter l’accès aux étrangers pour des raisons sanitaires : cette justification, largement reprise par les médias russes, a du mal à convaincre. Le maire de Norilsk n’a pas hésité à affirmer que fermer la ville était le seul moyen efficace pour limiter la toxicomanie et le sida, deux fléaux dont sont responsables, selon lui, les quelques milliers de ressortissants des républiques du sud de la CEI et du Caucase.

Pour être dans l’air du temps, les autorités locales ont aussi eu recours au discours anti-terroriste. La fermeture des villes est justifiée par la menace qui pèserait sur les industries vitales situées sur ces différents territoires : l’usine de nickel de Norilsk, qui crée 1,3 % du PIB russe, et le complexe gazier de Novyï Ourengoï seraient des cibles idéales, et seule une limitation de la circulation permettrait d’assurer la sécurité des installations...

 

Par Ludmila BYLODUCHNO
Vignette : Norilsk (photo libre de droit - attribution non requise).