Par Céline Bayou (sources : Kommersant, Vedomosti, EnergoNews, The Wall Street Journal, International Energy Agency)
La montée en puissance, au niveau mondial, du gaz naturel liquéfié (GNL) commence à avoir un impact fort sur le marché. La chute record du prix du gaz observée en Asie et le lancement imminent d’exportations de GNL par les États-Unis rebattent déjà les cartes, les clients ayant désormais plus de facilités pour choisir leur(s) fournissseur(s). Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’offre de GNL devrait croître de 40% d’ici 2020 et l’Australie se situer au rang de premier exportateur, suivie du Qatar et des États-Unis.
La Russie ne domine pas ce marché, avec des capacités actuelles de production de GNL de 13 milliards de m3/an, et de 22 milliards de m3 en cours de construction, sachant que le projet lié au gisement de Yamal pourrait ne pas être opérationnel en 2020 comme initialement prévu.
Gazprom souhaiterait néanmoins accélérer le processus. Le projet d’installation de l’usine de GNL de la Baltique, qui sera située à Oust-Louga, cet avant-port récemment construit dans l’oblast de Leningrad, devrait connaître une concrétisation rapide, avec le choix prochain du co-investisseur qui accompagnera le projet. Il resterait deux prétendants dans la short-list, dont l’entreprise anglo-néerlandaise Shell et un consortium d’entreprises japonaises. Si l’accord était signé, peut-être dans le cadre du Forum économique de Saint-Pétersbourg qui s’ouvre le 18 juin, il s’agirait du premier contrat d’envergure conclu avec une entreprise étrangère dans le secteur depuis le début des sanctions. Les technologies apportées par le partenaire, qui devrait détenir 49% du capital de l’usine, permettront de relancer ce projet retardé depuis longtemps. À terme, les capacités de l’usine seront de 10 à 15 millions de tonnes/an et les premières livraisons pourraient intervenir fin 2020.
L’approvisionnement de l’usine va nécessiter la construction d’un gazoduc de 360 kilomètres d’une capacité de 25 milliards de m3 à partir de Volkhov. La question du financement du projet est problématique, alors que Gazprom va devoir assurer en outre la construction des tubes Force de Sibérie (vers la Chine), Turkish Stream, voire Altaï. Le coût de l’usine de la Baltique est évalué au minimum à 10 milliards de dollars. Son intérêt n’échappe pas à Gazprom puisque ce gaz ne sera pas soumis aux taxes d’exportation. L’amortissement de l’investissement n’en sera que plus rapide.
Cette usine de la Baltique est au nombre des trois grands projets qui occupent actuellement la Russie en matière de GNL, aux côtés de celle de Vladivostok et de l’agrandissement de celle de Sakhaline (la seule en activité pour le moment en Russie, détenue à 50% par Gazprom, 27,5% par Shell et le reste par les Japonais Mitsui et Mitsubishi). Les trois semblaient bloqués jusque récemment, l’usine de Vladivostok s’étant même vu substituer un projet de gazoduc avec la Chine. Les sanctions sont venues confirmer ce ralentissement des projets, puisque la Russie ne dispose pas des technologies de liquéfaction du gaz à grande échelle et que les licences en la matière sont détenues par des compagnies américaines, européennes et japonaises.