Russie : le caractère inédit des manifestations du 23 janvier

Organisées dans un contexte sanitaire contraint, les manifestations non-autorisées qui se sont déroulées le 23 janvier 2021 en soutien à l’opposant Alexeï Navalny dans près de 150 villes russes ont surpris à maints égards.

Elles peuvent être vues comme une sorte de test, à la fois de la part des partis d’opposition non-systémique et du Kremlin : test des leviers de mobilisation de la population comme des dispositifs de maintien de l’ordre. Interviewé par TV Dojd, le politologue Evguéni Mintchenko a même évoqué une mission de « reconnaissance » avant le combat, à savoir les élections parlementaires à la Douma d’État, prévues en septembre 2021. Le parti gouvernemental Russie Unie pourrait avoir des difficultés à y conserver la majorité constitutionnelle (300/450 sièges).

Par ailleurs, et bien que des données statistiques précises manquent encore à ce jour, le profil des manifestants du 23 janvier ne correspondrait pas au profil-type habituel d’une jeunesse citadine, tournée vers l’Occident. Au contraire : une population bien plus hétérogène, anti-système et anti-élite se serait mobilisée. Fait important, cette dernière n’adhérerait pas nécessairement aux idées de Navalny, qui demeure un acteur politique controversé en Russie.

Pour autant, les autorités russes continuent d’affirmer qu’une jeunesse manipulée par des « gouvernements étrangers » était surreprésentée dans ces cortèges. Le célèbre présentateur de la chaîne Pervyi Kanal, Dmitri Kisselev, est allé jusqu’à parler d’une « pédophilie politique », estimant l’âge moyen des participants à 20 ans. Le président V. Poutine a tenu cette même ligne lors d’une conférence le 25 janvier avec des étudiants : il a comparé le modus operandi des organisateurs à celui de « terroristes » qui font avancer des « mineurs » en première ligne. Il a également rappelé que les manifestations politiques sont autorisées en Russie « dans le cadre de la loi » (en Russie, toute manifestation doit en effet être déclarée et autorisée en amont).

Le Fonds de lutte contre la corruption d’A. Navalny (FBK) a renouvelé ses appels à manifester pour le 31 janvier et le 2 février, ce qui permettra notamment de vérifier si ce mouvement parvient à s’inscrire dans la durée.

Sources : Meduza, TV Dojd, Carnegie.ru, Perviy Kanal.