Les autorités russes ne le nient pas : le réchauffement climatique à l’œuvre dans les régions arctiques accélère la fonte du pergélisol. La Russie va particulièrement en souffrir, alors que les lieux de peuplement septentrionaux du pays commencent déjà à connaître des dégâts. Début juillet, ces régions ont de nouveau enregistré des records de température (près de 32 °C à Saskylakh, par exemple, battant un record établi en 1936). Selon Roshydromet, la température moyenne de certaines zones de la côte arctique aurait augmenté de près de 5 °C depuis 1998. La limite de la zone de pergélisol continu s’est d’ailleurs déplacée de plus de 30km vers le Nord au cours des 40 dernières années et le phénomène est jugé irréversible.
Fin mai, le ministre russe des Ressources naturelles Alexandre Kozlov a fait part de son inquiétude, estimant que plus de 40 % des fondations des bâtiments construits dans le Nord ont déjà commencé à se déformer et qu’il est de plus en plus périlleux d’installer des routes et des voies ferroviaires. Certaines installations gazières et pétrolières pâtissent de ces évolutions et les experts rappellent que le déversement de 21 000 tonnes de diesel à Taymir en 2020 résultait de la dégradation du sol situé sous un immense réservoir de carburant. Des chercheurs russes prévoient que, d’ici 2050, la fonte du pergélisol va entraîner pour la Russie des dommages évalués à l’équivalent de 58 milliards d’euros (un quart du budget russe).
Or, pour le moment, aucune action d’envergure n’est prise. Mieux, comme le dénonce le gouverneur du district Yamolo-Nenets, on continue de construire dans le Nord sans technologies adaptées à ces nouvelles conditions locales.
Le ministère des Ressources naturelles devrait toutefois adopter d’ici la fin 2021 un nouveau système de monitoring du pergélisol. Le Président russe lui-même, après avoir manifesté son scepticisme pendant des années, semble avoir pris conscience de l’ampleur des risques : lors de sa prestation télévisuelle annuelle, Ligne directe, le 30 juin 2021, il a reconnu que le changement climatique constituait un problème global sérieux, causé en grande partie par les activités humaines. C’est un véritable virage après que V. Poutine ait passé vingt ans à railler la crise climatique puis ait commencé à accepter sa réalité. Il ne plaisante plus, notamment, comme il le faisait en 2003, sur le fait que la Russie ne verrait pas d’inconvénient à vivre avec 2 ou 3 °C de plus. En 2015 à l’ONU, il s’était fait plus prudent, faisant entrer son pays dans l’accord de Paris. Mais ce n’est que depuis 2020 qu’il reconnaît la responsabilité humaine dans cette dégradation.
Sources : The Barents Observer, The Moscow Times, ministère russe des Ressources naturelles.