Par Céline Bayou (sources : Gazeta.ru, Bruegel.org )
La compagne russe Gazprom s’est engagée auprès de la Grèce: une fois le Turkish Stream construit, ce gazoduc qui doit remplacer le projet South Stream et acheminer du gaz russe jusqu’à la frontière gréco-turque et au-delà, la Grèce verra transiter par son territoire 47 milliards de m3 de gaz par an. En revanche, la Russie ne s’engagera que prudemment sur la construction du tube qui fera circuler ce gaz sur le territoire grec. La posture de Gazprom est logique: c’est bien parce que la compagnie russe avait enfreint les règlements anti-monopole de l’Union européenne en s‘engageant à construire, financer mais aussi détenir les tubes qui devaient faire circuler le gaz, depuis la mer Noire, par la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche, que le projet a été bloqué par l’UE. Lorsque V.Poutine a annoncé, le 1er décembre 2014, l’abandon du South Stream, il a aussitôt évoqué l’option d’un tube acheminant du gaz russe via la mer Noire et la Turquie, mais précisé que le tube s’arrêterait à la frontière gréco-turque: aux Européens, ensuite, de venir chercher le gaz.
Depuis, les choses ont un peu évolué. Car, finalement, Gazprom devrait s’impliquer dans la construction et le financement du tronçon grec. Mais différemment de son implication prévue dans le cadre du South Stream. D’ailleurs, d’après la compagnie russe, la garantie apportée des 47 milliards de m3 de gaz devrait aider Athènes à trouver les 2 milliards d’euros nécessaires à l’installation du tube.
Le discours est de façade puisque, et notamment compte tenu de l’état des finances grecques, Gazprom pourrait en fait réaliser une avance sur le prix du transit futur et apporter directement entre 3 et 5 milliards d’euros à la Grèce dans le cadre de ce projet. C’est du moins ce qui semble émerger à la suite de la rencontre, le 21 avril, entre Alexeï Miller, le PDG de Gazprom, et le Premier ministre grec Alexis Tsipras. Gazprom serait partenaire de consortium en tant que créancier. L’éventualité de cet accord (non signé pour le moment) a été saluée par le ministre allemand des Finances qui a déclaré se réjouir pour la Grèce.
Ainsi, la compagnie russe qui est actuellement dans le collimateur de Bruxelles, pourrait revenir par la fenêtre, après avoir été mise à la porte: elle est tout à fait en mesure de proposer ce genre de montage aux autres pays de transit. Il s’agirait, selon le scénario qui se dessine depuis la rencontre qui les a réunis sur ce thème le 7 avril à Budapest, outre de la Turquie et de la Grèce, de la Macédoine, de la Serbie et de la Hongrie. Pour les deux derniers pays, les choses ne changeraient donc pas fondamentalement par rapport au trajet du South Stream. En revanche, la Macédoine a tout à gagner à ce parcours. Un autre parcours envisagé consisterait à réanimer le projet ITGI (Interconnector Turkey-Greece-Italy.
Quelle que soit l’option retenue, la grande perdante du jeu qui a opposé Russie et UE serait quoi qu’il en soit la Bulgarie. Et la grande gagnante pourrait donc être la Grèce qui, en 2013, a importé 2,4 milliards de m3 de gaz de Russie au prix de 440 euros les 1.000 m3. Il est évident que, quelle que soit l’issue de la procédure lancée le 22 avril 2015 par l’UE qui a dénoncé l’abus de position dominante de la Russie, ce prix devrait baisser pour Athènes.