Par Céline Bayou (sources : Delevoï Peterbourg, Radio Svoboda)
À Saint-Pétersbourg, les autorités municipales ont annoncé le 10 janvier 2017 leur intention de rendre à l’Église orthodoxe la Cathédrale Saint-Isaac. Construit au 19e siècle, sur les plans de l’architecte français Auguste Ricard de Montferrand, l’édifice fut durant la période impériale la principale cathédrale de Russie. Elle fut transformée en musée de l’athéisme après la Révolution, puis en musée d’histoire et d’art après 1937. Depuis 1990, lors des fêtes religieuses les plus importantes, des offices religieux y sont organisés.
Mais, depuis 2015, l’Église orthodoxe en demande la restitution, tout en promettant d’en préserver le musée. Plus grande cathédrale de Russie, elle attire chaque année pas loin de 4 millions de visiteurs, rapportant l’équivalent de 12,6 millions d’euros au budget municipal.
Les Pétersbourgeois n’approuvent pas tous ce projet. Une pétition a été lancée sur le site Change.org, qui rassemblait plus de 205.000 signature le 29 janvier. Parmi les arguments des opposants figure le fait que, si la Cathédrale repasse sous l’autorité de l’Église, la manne des visites risque de disparaître, l’accès à ce lieu de culte redevenant gratuit. La municipalité, toujours propriétaire du lieu, devra en assurer l’entretien mais sera privée des ressources financières liées au musée et à la boutique.
Une manifestation importante de protestation s’est déroulée samedi 28 janvier: entre 2.000 et 5.000 personnes se seraient rassemblées sur le Champ de Mars au cours d’un meeting non autorisé par les autorités locales au motif qu’une autre manifestation, de soutien au transfert, devait se dérouler simultanément au même endroit. Ce dernier n’aurait mobilisé que quelques dizaines de personnes.
En revanche, le rassemblement des opposants s’est tenu sous forme de «rencontre avec les députés», sans micro ou porte-voix. Le député à l’Assemblée législative locale Boris Vichnevski a estimé que ce mouvement augurait d’un mouvement civique plus massif à venir. Le député Maxime Reznik, lui, a noté que le transfert récent de la Cathédrale de Kazan, autre monument essentiel de Saint-Pétersbourg, à l’Église orthodoxe s’était notamment traduit par la réalisation de travaux plutôt malvenus: des restaurateurs avisés n’auraient jamais autorisé, selon lui, que la colonnade de pierre de la Cathédrale soit recouverte de peinture comme cela vient d’être fait.
Samedi 28 janvier, l’historien Daniil Kotsioubinski a exprimé son étonnement: personne ne s’attendait à une telle mobilisation. Pour lui, ce n’est pas seulement la Cathédrale Saint-Isaac qui a rassemblé la foule sur le Champ de Mars mais le désir de changer de pouvoir.