Slovaquie : un pays au bord de la rupture politique

Le 9 mai 2025, le Premier ministre slovaque Robert Fico est allé saluer les troupes russes sur la place Rouge, aux côtés de Vladimir Poutine, d’Aliaksandr Loukachenka ou encore du Président iranien. Seul chef de gouvernement de l’Union européenne à avoir assisté au défilé du Jour de la Victoire, il déclarait alors sa « joie immense » d’être à Moscou. À Bratislava, l’émotion était tout autre, et le reste.

Depuis mars, des dizaines de milliers de Slovaques manifestent en effet contre ce qu’ils considèrent comme une dérive pro-russe du gouvernement. Les décisions de R. Fico de couper l’aide militaire à l’Ukraine, de réformer les médias publics, de menacer la justice anticorruption… ont déclenché une large mobilisation. Mais le déplacement à Moscou a semble-t-il tout fait basculer : le 9 mai au soir, de Bratislava à Košice, le pays est descendu dans la rue, au cri de « la Slovaquie n’est pas la Russie ». Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans plus de 40 villes, parfois devant les sièges du pouvoir.

La contestation ne faiblit pas et elle a nombre de motifs pour cela.

Le 5 juin, le Parlement slovaque a par exemple franchi une étape décisive : à l’initiative du parti au pouvoir Smer, les députés ont adopté un mémorandum appelant l’Union européenne à cesser les sanctions contre la Russie. Malgré le boycott de l’opposition, le texte a été adopté à une large majorité, avec le soutien des partis d’extrême droite comme le SNS. Le mémorandum invite explicitement les membres du gouvernement à s’opposer à toute nouvelle mesure restrictive au sein des institutions européennes. R. Fico justifie cette prise de position par la défense des « intérêts nationaux slovaques », notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’agroalimentaire.

Mais, pour beaucoup, il s’agit d’un alignement idéologique pur et simple sur le Kremlin. Denník N parle de la « normalisation d’une politique pro-russe en Europe centrale ». Intellinews y voit une victoire symbolique pour Moscou, dans un pays membre de l’UE et de l’OTAN. Dans les cortèges, la colère est vive : les manifestants dénoncent une trahison démocratique et une rupture avec les valeurs européennes. Ils évoquent une politique étrangère qui isole la Slovaquie et mine sa crédibilité sur la scène internationale.

Robert Fico, lui, accuse les ONG et les opposants d’orchestrer une tentative de « Maidan slovaque », manipulé depuis l’étranger. Cette rhétorique renforce l’amertume d’une jeunesse qui n’a pas oublié les protestations de 2018, après l’assassinat du journaliste Ján Kuciak.

Sources : Domov.sme.sk, Novini.sk, Sita.sk.