Daugavgrīva : une île pour protéger Riga

L'île de Daugavgrīva, située à l'embouchure de la Daugava comme son nom le signifie en letton, est depuis le 17e siècle un des principaux points d'appui de la défense de la ville de Riga. Elle fait partie du territoire administratif de cette dernière depuis 1924.


L'île de Daugavgrīva est le résidu d'une longue flèche sableuse qui s'était formée à l'embouchure des fleuves Daugava et Lielupe, sectionnée par les tempêtes et les campagnes de rectification des berges. Elle a acquis sa forme allongée (neuf kilomètres de long) définitivement au 18e siècle. Parallèle au continent, elle en est séparée par une lagune que ne franchit qu’un unique pont depuis le 19e siècle. La majeure partie de l'île est une réserve naturelle: une pinède sur des dunes dans sa moitié sud (où se trouve le village de Buļļi), des prairies humides dans la moitié nord. C'est dans cette dernière que se trouvent le quartier et la base militaire de Daugavgrīva, en partie en friche à l'heure actuelle: les militaires, autant que les oiseaux sauvages et les orchidées ont joui pendant trois siècles de l'isolement relatif de l'île.

L'histoire de Daugavgrīva est portuaire, avec la douane, le phare, un village de pilotes pour guider les bateaux sur le fleuve et un port d'hiver. Mais elle est surtout militaire, comme en témoignent les noms des rues du quartier qui fut détruit pendant les deux Guerres mondiales (rues de l'Esplanade, de la Marine, de la Parade). Cette fonction fut accordée à l'île au 17e siècle par la Suède avec la création de la redoute de Neumünde, lorsque Riga était la plus grande ville du royaume. La Russie tsariste fit de celle-ci la forteresse de Dünamünde (plus tard Oust-Dvinsk) et a fortifié la côte vers 1910. C'est dans la forteresse que furent créés les premiers bataillons de tirailleurs lettons en 1915 au sein de l'Armée tsariste. Occupée par l'Armée allemande, cette forteresse leur fut prise par des navires anglais et français en 1919 puis cédée à la nouvelle armée lettone[1]. À la fin des années 1930, elle était le principal centre de la défense antiaérienne de la nouvelle République lettone[2]. À l'époque soviétique, cette base militaire était la plus grande parmi celles qui étaient situées sur le territoire municipal avec un chantier naval, un hôpital, un yacht-club... Elle revint en 1991 à l'Armée russe, qui la céda à la Lettonie en 1993, non sans avoir au préalable vendu à la Libye les deux sous-marins qui y étaient stationnés[3].

Notes :
[1] Julien Gueslin, «Un nouveau Drang nach Osten? La France face à la menace des corps francs allemands dans les pays baltes, 1919», Revue internationale d’histoire militaire, n°83, 2003; Ieva Ose, Daugavgrīvas cietokšņa būvvēsture [Histoire de la construction de la forteresse de Daugavgrīva], Rīga: Latvijas Vēstures institūta apgāds, 2007.
[2] Kārlis Dambītis, «Rīgas apgabala garnizona gaisa aizsardzības plāns [Le plan de défense antiaérienne de la garnison du district de Riga]», Latvijas Arhīvi, n°1, 2011, p. 86‑107.
[3] Ilgonis Upmalis et aliiLatvija – PSRS karabāze: 1939.-1998 [La Lettonie comme base militaire de l’URSS], Rīga, Zelta grauds, 2006, p.90-91 & 186.

Photographies prises entre 2008 et 2012.