Energies renouvelables: timide percée dans les PECO

Dans les pays d’Europe centrale et orientale de l’UE, l’attention portée aux ressources énergétiques est récente. Alors qu’un nouveau «Livre vert» européen vient d’être publié, ces pays entendent néanmoins prendre part à la composition d’un bouquet énergétique plus durable, efficace et diversifié.


Éoliennes sur fond de ciel bleuImpensables avant 1990, les idées d’économie d’énergie, d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables émergent peu à peu dans un Est longtemps habitué à un pétrole et un charbon importés à bon marché d’Union soviétique et à une industrie, très gourmande en ressources fossiles et polluant sans restriction.

Depuis le milieu des années 1990, l’augmentation progressive des prix de l’énergie a changé la donne. Une transition difficile vers une économie plus libérale, le développement des marchés financiers, les investissements directs étrangers ont conduit peu à peu à reconsidérer le rôle de l’énergie. Le développement durable, qui entend répondre «aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs» n’est pas un concept facile à mettre en œuvre dans des pays où les questions environnementales ont longtemps été ignorées ou sous-estimées.

Depuis 2004, l’intégration dans l’Union européenne est un accélérateur. Dès 2001, une directive européenne avait établi que, d’ici à 2010, 22% de l’électricité consommée en Europe devait provenir de sources d’énergie renouvelable (SER). Plus récemment, le 8 mars 2006, le Livre Vert de l’Energie a confirmé qu’un plan d’action sur l’efficacité énergétique devrait être adopté courant 2006. Ce plan précisera les mesures prises par l’UE pour économiser 20% de l’énergie consommée d’ici 2020. Une nouvelle feuille de route pour les SER devrait aussi fixer les objectifs à l’horizon 2020 et au-delà. Ce Livre Vert doit faire l’objet de «réponses et commentaires recueillis dans le cadre d’une large consultation publique» et «en fonction des conclusions du Conseil européen et du Parlement, la Commission proposera une série de mesures concrètes».

Adaptation des politiques nationales

Economies d’énergie et efficacité énergétique sont ainsi à l’ordre du jour dans les PECO. Y contribue l’obligation faite aux nouveaux membres entrés dans l’UE en 2004 (traités d’adhésion) de mettre à niveau leurs infrastructures, notamment les réseaux de distribution. Parmi les chantiers en cours, le chauffage et la climatisation des bâtiments (révision des règles de construction, nouvelles normes, aides publiques, meilleure information…), ainsi que la modernisation des équipements industriels ont pout but de renforcer l’efficacité énergétique. La cogénération, qui permet de produire en un seul processus de la chaleur et de l’électricité, est une voie prometteuse. Elle permet d’économiser de l’énergie, d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement et de lutter contre le réchauffement climatique. La République tchèque en a fait une de ses priorités. Quant à l’Estonie, elle souhaite utiliser la biomasse (matières organiques pouvant fournir de l’énergie renouvelable) dans ses centrales électriques de cogénération. Pour soutenir les politiques énergétiques, l’Europe a proposé aux Etats des outils variés: incitations financières, règlementations, plans annuels, taxation de l’énergie, information et formation, ou encore accès aux fonds structurels.

Les PECO ont été nombreux à adopter des politiques nationales ou des plans stratégiques fixant des objectifs en matière d’énergie et d’énergies renouvelables: la Pologne en 2001, la République tchèque en 2004, la Slovénie en 1999 puis, de nouveau, en 2005. Grâce à leurs efforts, plusieurs pays comme la Pologne, la Hongrie, la République slovaque et l’Estonie pourront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. La Hongrie a signé en 2002 le protocole de Kyoto, s’engageant pour la période 2008-2012 à une diminution de 6% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. En République slovaque, l’engagement est de 8% pour cette même période.

Certains gouvernements, comme la Hongrie et l’Estonie, ont cependant exigé des opérateurs la garantie d’achat de l’énergie produite à un prix supérieur à celle produite de manière conventionnelle. Ainsi en Hongrie, le système de distribution d’électricité prévoit l’achat d’énergie renouvelable à un taux de 37% supérieur à la normale.

Développement des initiatives locales

L’UE cherche à promouvoir des communautés d’ «énergie durable» (ESC ou Energy sustainable communities) réunissant des acteurs locaux publics et privés autour de projets innovants en matière d’énergie. Cette démarche orientée vers le développement local tient compte des ressources (naturelles et humaines) et des besoins des populations. Elle peut générer des activités nouvelles, de l’emploi, et servir de modèle à d’autres réalisations. Un document publié en 2005 par le Centre européen pour l’énergie renouvelable (Bruxelles), intitulé « Communautés énergie durable: expériences, facteurs de succès et opportunités dans l’Europe des 25 » énumère, concernant les PECO, une série d’obstacles au développement d’initiatives locales : un niveau insuffisant d’information et de formation des publics, un manque d’expérience des municipalités, des soutiens trop faibles de la part des Etats, enfin un manque de volonté politique sur les plans local et régional «pour mettre en oeuvre des politiques énergétiques locales durables axées sur l’autosuffisance et l’approvisionnement sur place». Et d’ajouter : «Les petites municipalités préfèrent les financements venant de fonds européens importants et la réalisation de grands projets».

Les solutions proposées dans ce document sont diverses : mieux informer les citoyens en montrant les avantages environnementaux mais aussi économiques de tels projets, encourager le débat public et la participation, «stimuler la mise en relation des modes de vie traditionnels (plus durables et favorables à l’environnement) avec des technologies environnementales modernes», développer les aides nationales et régionales, encourager les municipalités à participer aux investissements… La communauté de Jindrichovice, en République tchèque, bénéficie par exemple d’une chaufferie collective alimentée par la biomasse (en l’occurrence les sous-produits de la forêt et de l’industrie du bois) fournit de la chaleur à cinq bâtiments publics et du travail à une vingtaine d’habitants.

Pour que ces efforts locaux ne restent pas isolés, l’UE développe la coopération interrégionale et internationale à travers l’association européenne «Energie-cités» (association des autorités locales européennes pour une politique énergétique durable). Depuis 2004, le Forum BISE (Better Integration for Sustainable Energy) prolonge cet effort par la création d’un réseau de communes dans les nouveaux États membres, les pays candidats, les Balkans et l’Ukraine. Il encourage l’échange d’informations et d’expériences, les transferts de savoir-faire, la mise à disposition d’expertise, la promotion de l’innovation dans le domaine de l’énergie… En Pologne par exemple, le réseau BISE doit diffuser dans toutes les communes du pays une base de données répertoriant les meilleures pratiques polonaises, européennes et canadiennes dans le domaine des énergies renouvelables. Le prochain Forum se tiendra à Riga en octobre 2006 et portera sur le financement des projets et réseaux locaux dans le domaine de l’efficacité énergétique.

---------------------------------------------------- Hydraulique, biomasse, éolienne, géothermique : des opportunités diverses 

L’énergie hydro-électrique est la plus ancienne et souvent la plus aisée à produire, soit dans des grandes centrales, soit dans des stations plus modestes (petit hydraulique). C’est le cas en République tchèque, ou encore en Slovénie, où l’hydro-électricité alimente environ un tiers des générateurs électriques du pays. En Pologne, le petit hydraulique représente un potentiel non négligeable mais les obstacles administratifs et financiers peuvent contrarier les projets. Dans la vallée de la Pradnik, près de Cracovie, une ancienne installation doit être rénovée, ce qui devrait profiter également au tourisme.

Certains pays possèdent des atouts en matière de biomasse ; ainsi, l’Estonie, dont 50% du territoire est couvert de forêts, et où des espaces agricoles sont laissés à l’abandon. Au nord-est de la Pologne, les régions de Warmia et Mazurie veulent développer des chaufferies collectives à partir du bois et des rebuts de l’industrie du bois. Dans le sud de la Hongrie, la centrale électrique de Pecs a abandonné le charbon très polluant au profit du bois.

L’énergie éolienne pourrait être davantage exploitée, notamment en Hongrie, en Estonie et en Slovénie. D’ici 2020, de nouveaux programmes devraient voir le jour dans l’éolien et le solaire. Les ressources géothermiques sont aussi présentes, notamment en Pologne et en République Slovaque. Trente-cinq sites sont opérationnels dans ce pays et produisent à la fois de la chaleur et de l’électricité.

Par Véronique LAFON

Pour en savoir plus :
www.energies-cites.org
www.bise-europe.org