Reportage: du Yiddishland bessarabien à la Moldavie contemporaine

La Bessarabie fut un des lieux de mémoire majeur du judaïsme ashkenaze. La ville de Kichinev compta au début du XXe siècle 70 synagogues et seize écoles juives, fréquentées par plus de 2 000 étudiants.


quartier central de Chişinău (Stéphane Charrier, mars 2011)La vague de violence qui se déchaîna au printemps 1903 dans un quartier central de la ville a marqué les esprits du fait que les Juifs vivaient en bon voisinage avec la population non-juive. Le sort des Juifs moldaves fut lié à celui des Juifs roumains victimes du cynisme criminel du Maréchal Antonescu qui, à partir de 1941, ordonna la déportation de l'ensemble des Juifs roumains en Transnistrie où furent construits à la hâte des dizaines de camps de travail qui se transformèrent en camp d'extermination.

La Moldavie d'aujourd'hui en conserve de nombreuses traces mais le passé n'est pas l'unique intérêt d'un territoire dont la communauté connaît un timide mais réel renouveau. Oublier Kichinev, oublier les pogroms, cela est bien sur impossible. Y réduire le judaïsme moldave est cependant injuste. Levons le voile sur cette culture juive moldave relativement originale.


1. Le cimetière juif de Chişinău
Le cimetière juif de Chişinău témoigne de l'importance de l'ancienne Kichinev juive au regard de la communauté actuelle. Les Juifs bessarabiens ont pu représenter au tournant des 19e et 20e siècles près de 300 000 personnes. La moitié des habitants de Kichinev étaient alors juifs et vivaient dans un quartier central au milieu des Chrétiens. La communauté actuelle compte officiellement 15 000 personnes . Les tombes sont entretenues la semaine précédant Pessah mais les difficultés économiques ne permettent pas de préserver le cimetière des outrages du temps.


2. Le monument aux morts de la Shoah de Balti.
Le monument aux morts de la Shoah situé à Balti, deuxième ville du pays en nombre d'habitants témoigne du travail de mémoire effectué par la jeune nation moldave pour rendre hommage aux victimes de la Shoah.


3. La tombe du rabbin Judah Leib Zirelson.
Le rabbin Judah Leib Zirelson (1860-1941), dont la tombe représentant les tables de la Loi se dresse au coeur du cimetière juif de Chişinău, fut la personnalité la plus marquante du judaïsme bessarabien d'avant guerre. Lors de l'affaire de Beilis en Ukraine, accusation de meurtre rituel contre un Juif, il fut l'un des plus ardents défenseurs de l'accusé afin d'apporter la preuve que la religion juive ne permettait aucun meurtre. Cet homme évolua dans ses positions d'un sionisme religieux proche du mouvement Mizrahi à une orthodoxie antisioniste, fondant le mouvement local de l'Agoudat Israël. Il fut tué lors d'un bombardement en 1941.


4. Le rabbin rav Zalman
Le rabbin actuel, le rav Zalman est le successeur du rabbin Zirelson après cinquante années d'absence d'une autorité religieuse juive dans la région. Ce natif selon ses propres termes d'un « petit shtetl nommé Moscou » a fait partie des refuzniks autorisés à faire leur alya en Israël avant la chute du mur de Berlin. Membre du mouvement Habad, plus connu comme « Loubavitch », il est le descendant d'une dynastie hassidique. Il a fondé une nouvelle synagogue, la première reconstruite sur les décombres de la ville aux 77 synagogues.


5. Le KEDEM
Le KEDEM est le véritable centre névralgique de la communauté juive moldave. Financé par un riche mécène de Toronto, M. Jacobs, ce centre regroupe toutes les associations culturelles et sociales juives de la capitale moldave. La présidente Stella Harmelina représente les instances juives moldaves auprès des organisations juives mondiales et de la CEI. Le centre accueille de nombreux événements culturels, des fêtes religieuses que l'on vient célébrer dans une perspective séculière car la majeure partie des Juifs moldaves ne sont pas religieux mais demeurent attachés aux traditions. Ce lieu attire de nombreuses personnes n'ayant aucune ascendance juive et se veut un lieu de dialogue des cultures, faisant connaître aux Moldaves le judaïsme bessarabien et son histoire. Le bâtiment est une ancienne synagogue et comprend un petit musée et une bibliothèque sur ces thématiques.

Reportage photo réalisé par Stéphane Charrier en mars 2011.

* Frédéric MENAGER-ARANYI est Chroniqueur sur le site Nonfiction.fr le portail des livres et des idées et secrétaire général du think tank Eurocité www.eurocité.eu/

**  Stéphane CHARRIER est photographe (www.bonjourmoldova.com).

Photographie en vignette : quartier central de Chişinău (© Stéphane Charrier, mars 2011).