Russie : ils accèdent enfin à la propriété

La fin du système soviétique et la perestroïka ont favorisé l’émergence du marché de l’immobilier. Depuis dix ans, l’accession à la propriété s’organise dans un cadre à résonances occidentales, offrant des chances disparates selon les générations. Mais à qui profite cette nouvelle donne ?


A l’époque de l’URSS, la question du logement se réglait simplement : chacun se voyait attribué par l’Etat un endroit où vivre, soit dans un appartement communautaire (kommunalka), soit dans un appartement particulier. Avec l’effondrement du bloc soviétique et l’apparition du capitalisme en Russie et dans ses anciens pays satellites, ce système a disparu. C’est désormais la loi de l’offre et de la demande qui régit l’immobilier. Une loi féroce, qui agit avec force à Moscou en particulier, devenue au cours des dernières années l’une des villes les plus chères au monde : le prix du foncier ne cesse de s’y renchérir.

De fait, aujourd’hui, le marché de l’immobilier laisse peu de place aux personnes âgées. En effet, celles-ci ne bénéficient pas des systèmes de financement existants pour accéder à la propriété : leur « insolvabilité », due à leur âge, les exclut totalement de ces mécanismes. Celles qui sont propriétaires ont reçu leur logement dans le cadre de la privatisation à titre quasi-gratuit dans les années 90.

La loi sur la succession fait de cette génération la première à pouvoir transmettre ses biens à ses enfants. C’est dans ce contexte qu’un grand nombre de trentenaires et de quadragénaires issus de milieu modeste sont aujourd’hui propriétaires de leur habitation.

Le programme « Jeunes Familles » : une aide pour l’accès à la propriété ?

Ce programme créé par l’Etat, permet à un couple de moins de trente ans avec un ou plusieurs enfants de se voir financé jusqu’à 95% du montant de son emprunt. Les jeunes peuvent désormais contracter un prêt auprès d’une banque ou d’une compagnie d’assurance. Ce prêt peut varier de 6 mois à 27 ans moyennant des taux élevés, de 10 à 15 % sous forme de remboursement mensuel. Toutefois il faut justifier de sa capacité d’emprunt en présentant des revenus stables sur les deux dernières années. Acheter avec un faible apport est tout à fait nouveau en Russie. Jusqu’à présent seule une catégorie aisée accédait à ce marché en payant comptant leurs acquisitions immobilières.

Une jeune famille peut choisir d’acheter dans de l’ancien ou dans du neuf. Si elle opte pour un achat sur plan, elle devra attendre deux ou trois ans pour la livraison de son bien mais jouira d’un prix 30 à 40 % moins élevé que sur le reste du marché. De plus, elle peut espérer voir la valeur de son bien doubler d’ici son emménagement si la hausse du prix au mètre carré se poursuit.

Bien des promoteurs immobiliers et des acquéreurs peu scrupuleux l’ont compris : nombre de ces appartements vendus sur plan se sont révélés être des arnaques et ont fait l’objet de spéculation en étant achetés et vendus plusieurs fois avant la livraison définitive du bien, si tant est qu’elle ait eu lieu. Une loi fédérale interdisant la revente d’un appartement non livré vient de voir le jour.

Le prêt Entreprise : une opportunité pour de jeunes salariés 

Alors que les banques prêtent à des taux très élevés, certains privilégiés ont accès, via leur entreprise, à un emprunt quasi-gratuit. Ces entreprises sont en général des multinationales implantées en Russie par le biais de filiales. Mieux vaut avoir le profil de jeune cadre dynamique pour bénéficier de ce prêt défiant toute concurrence. Une jeune famille de la classe moyenne émergente peut ainsi se voir financé jusqu’à 90 % de la valeur du bien. Ce système détrône bien notre 1 % patronal puisqu’il est, en Russie, à taux zéro. Il fixe néanmoins des pénalités à hauteur de 9,5 % en cas de non remboursement de la dette. Le prêt se rembourse mensuellement et en général sur une durée maximum de 10 ans. On ne peut cependant accuser ce système de faire du dumping aux banques, tant il est réservé à une infime minorité. Il a néanmoins le mérite d’exister et d’aider les jeunes à accéder à la propriété.

Par Dorothée TRUCHOT

Vignette : appartement communautaire à Saint-Pétersbourg (© Assen SLIM)

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