Arménie : l’industrie diamantaire menacée par les sanctions de l’UE contre la Russie?

Si le 12ème paquet de sanctions contre la Russie est bien adopté, l’importation directe et indirecte de diamants russes devrait être interdite dans l’UE. Cette décision pourrait mettre en difficulté l’Arménie, dont l’industrie de taille de diamants est florissante.

L’Union européenne entend bien, en effet, tracer l’origine des diamants jusqu’aux mines russes et ne pas considérer comme autre que russe un diamant qui aurait été taillé par l’Arménie. Dès le 1er janvier, l’embargo s’appliquera aux diamants naturels et synthétiques non industriels et aux bijoux en diamant. Puis, entre mars et septembre 2024, devrait entrer en vigueur l’interdiction progressive d’importer des diamants russes taillés ou polis dans des pays tiers.

Or, l’entreprise publique arménienne Hay-Almast, créée en 1921, achète 30 à 40 % des diamants bruts qu’elle taille auprès de la société russe Alrosa. Tigran Khachatrian, son directeur, s’inquiète donc de ces nouvelles sanctions qui n’affecteront pas que la Russie. La nouvelle est d’autant plus déstabilisante qu’Hay-Almast se situait sur une pente ascendante grâce à la demande mondiale croissante de diamants russes. En 2022, Hay-Almast a exporté la valeur de 418 M$ de diamants taillés, soit quatre fois plus que l’année précédente. Au premier semestre 2023, les exportations ont rapporté 240 M$. Les diamants taillés se situent au 3ème rang des exportations du pays, derrière l’or et la réexportation de voitures.

Pour Erevan, outre la diversification, la question sera celle de la capacité de traçage : avec quelle rigueur les mouvements de diamants bruts russes dans le monde seront contrôlés et comment sera identifié l’origine d’un diamant taillé en Arménie.

Le ministre arménien des Finances, Vahe Hovhannisyan, le reconnaît : les exportations de l’Arménie vers la Russie sont en hausse. Au cours du premier semestre 2023, cette augmentation a été de 215 % par rapport à la même période de l’année précédente, les réexportations représentant 187 points de pourcentage de cette hausse.

La chaîne d’approvisionnement de l’Arménie en matière d’exportation et de réexportation fait généralement transiter les diamants par les Émirats arabes unis. Depuis quelques temps déjà, l’Arménie s’efforce de diversifier ses importations, afin de ne pas dépendre des seuls diamants russes. Toutefois, parce que le traçage risque d’être très difficile à effectuer, il sera délicat d’identifier un diamant extrait en Russie, taillé et poli en Arménie puis exporté vers les EAU. Selon les experts, ce nouveau paquet de sanctions qui vise à priver la Russie de financements lui permettant de recompléter son industrie d’armement, pourrait bien profiter à l’Arménie qui, à mesure que d’autres marchés se fermeront aux diamants bruts russes, pourrait les voir affluer vers son territoire, selon un modèle comparable à celui qui s’est instauré entre Russie et Inde pour le pétrole brut.

Sources : The Armenian Report, Eurasianet.org.