D #20 : Edito

Il est difficile de parler du Caucase en général. Le risque est de voir la réflexion se clore sur des analyses hâtives, de chercher dans les problèmes présents la confirmation des formules qui depuis des siècles, ont servi à qualifier cette région: Caucase "carrefour entre l'orient et l'occident", Caucase "frontière d'Empires"...

Si le Caucase a une unité, elle est avant tout géographique: ses contours épousent ceux d'un chaînon externe de l'édifice alpin et ceux d'un isthme séparant mer Caspienne et mer Noire. Une géographie qui souvent impose son cadre à la réflexion, au risque de la réduire aux seules analyses géopolitiques et géostratégiques.

Dans cette perspective, le Caucase devient une "région-clef" objet d'un "jeu d'influences" des puissances qui en convoitent le contrôle. Personne ne s'étonne que, dans cette zone couvrant à peine 300000 km2, sévissent plusieurs conflits sanglants dont l'issue est sans cesse reportée.

Certes, la Russie cherche à garder la mainmise sur le Caucase. Mais est-ce en des termes géostratégiques qu'il faut analyser sa politique ? Que ce soit en Transcaucasie ou dans le nord-Caucase, la Russie semble plutôt pécher aujourd'hui par son absence de véritable politique, comme le note Charles Urjewicz dans ce dossier. La guerre en Tchétchénie nous incite d'ailleurs à ne pas négliger l'importance des jeux politiques moscovites, quitte à decevoir nos attentes liées à l'effondrement du régime soviétique. Cruel paradoxe de la démocratie post-soviétique qui, loin d'écarter la violence guerrière, l'attise, le calendrier électoral suscitant une surenchère militaire.

Le Caucase, tel qu'il est envisagé ici, comprend les sept républiques de la Fédération de Russie situées sur le versant nord de la chaîne du Grand Caucase et les trois républiques indépendantes de Transcaucasie. Mettant l'accent sur des enjeux internes, ce dossier tente de donner un aperçu des principaux lieux et facteurs -supposés ou réels- d'instabilité.

A côté des questions -nombreuses-, et des incertitudes sur l'avenir, même proche, de ces régions, peu d'éléments laissent entrevoir des perspectives de règlement définitif des conflits. Sur un mode utopique, on peut néanmoins espérer en l'Europe comme le fait le président Chevarnadze qui lie son désir d'Europe à un désir de stabilité...