D #21 : Edito

La Slovaquie est longtemps restée invisible, étant alors une partie dans des ensembles étatiques qui l'englobaient. Elle en a conçu une frustration dans son expression nationale, d'où sont nées des visions contradictoires que le pays a de lui-même et de la place qu'il se fait dans le monde et sur le continent européen.

Ces frustrations ont déterminé pour une large part l'histoire commune avec les Tchèques et persistent dans la République slovaque indépendante. C'est la somme de ces sentiments contradictoires qui anime la société slovaque, entre sous-estimation de ses capacités et sur-appréciation de l'importance de l'existence étatique, et qui détermine pour une large part les tensions majeures de la société slovaque. Après 1993, Vladimir Meciar, tout en se bâtissant une image partiellement mythique de fondateur de l'Etat, a conduit la Slovaquie vers l'isolement.

En juillet, puis en décembre 1997, la Slovaquie a été écartée des premières vagues d'intégration dans l'OTAN et dans l'Union européenne pour cause de déficiences institutionnelles et politiques graves. Ce double échec fut ressenti douloureusement par une population qui prenait alors progressivement conscience de l'impasse dans laquelle le pays se trouvait. Depuis les législatives de septembre 1998, la perception des évolutions slovaques s'est modifiée ; il est couramment admis que la Slovaquie est parvenue à une certaine normalité institutionnelle qui doit lui permettre de regagner le terrain perdu. En dépit des efforts actuels, le pays peut, à maints égards, être considéré comme encore insuffisamment stabilisé. En effet, l'alternance de 1998, si elle a mis fin à l'arrogance et à la brutalité comme méthode de gouvernement, n'a pas gommé les difficultés structurelles. Le pays est petit, les liens personnels décisifs, les passerelles entre l'économique et le politique très nombreuses. Confusion des genres et conflits d'intérêts sont légion. La volonté politique d'y mettre fin manque.

Il est nécessaire de présenter ici les grandes tendances qui sont à l'œuvre dans la société slovaque, d'évaluer leurs implications sur la politique étrangère mais également dans la politique économique des différents gouvernements. Les difficultés actuelles auxquelles est confrontée la coalition, qu'elles soient politiques, institutionnelles ou administratives, méritent également que l'on s'y arrête. Leur origine peut être trouvée dans les manœuvres et mesures du gouvernement précédent, mais également dans les faiblesses structurelles de la société slovaque. D'où qu'elles viennent, ces difficultés sont de nature à fragiliser le processus de " normalisation " en cours en Slovaquie. Le pays est ainsi soumis, plus encore peut-être que ses voisins centre-européens, aux conséquences d'héritages contradictoires qui concourent aux confusions et aux difficultés actuelles. C'est sur certaines de ces conséquences que nous nous proposons de revenir ici.

Vignette : Sculpture à Bratsilava (photo libre de droits - attribution non requise).