D #28 : Edito

Les costumes pailletés moulants des patineurs soviétiques, les cheveux longs sur la nuque des footballeurs est-allemands, le maquillage outrageux des gymnastes prépubères roumaines... 

Le sport en Europe de l'Est a souvent une image désuète, voire ringarde. Ce serait un divertissement un peu risible, en tout cas indigne d'intérêt.

Pourtant, le sport n'est pas aussi anecdotique qu'il y parait. Il suffit de revenir quelques années en arrière pour s'en rendre compte. Enjeu de la guerre froide au même titre que la conquête spatiale, instrument de propagande faisant de l'homo soviéticus un sportif accompli, le sport, dans les régimes socialistes, est loin d'être une pratique innocente. La réussite sportive, aux Jeux Olympiques notamment, a d'ailleurs eu un prix. Principalement celui du dopage: l'image des nageuses est-allemandes aux épaules de camionneurs et aux performances douteuses a marqué les esprits au point de devenir un cliché de la conversation.

Aujourd'hui, certes, le sport n'est plus au cœur des régimes politiques d'Europe de l'est. Pour autant, il n'est pas dépourvu de signification. Problèmes économiques, sociaux, ou politiques s'y retrouvent, parfois de manière violente, lorsque sport et mafia se retrouvent mêlés. L'exil des sportifs, l'évolution de leurs conditions d'entraînement, la restructuration des clubs de football: autant de conséquences de la libéralisation et de l'occidentalisation.

Le sport peut même être plus qu'un reflet, un moteur. Comme lorsque des pays qui se sont divisés et affrontés (la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Macédoine, la Roumanie et la Yougoslavie) projettent de se réunir à nouveau sous la forme d'un championnat de football commun.

Ce dossier tente de montrer que le sport n'est pas seulement l'occasion de s'égosiller devant sa télévision, mais qu'il était, et demeure un élément essentiel de la société. Le sport de haut niveau permet, notamment à certains petits pays, de maintenir une cohésion nationale. Ce qui explique que le Président de la République de Biélorussie investisse massivement dans son équipe nationale de hockey sur glace. Ou que le Polonais Adam Malysz, champion du monde en titre de saut à ski, soit devenu un héros national.

Le sport, c'est aussi du quotidien. Et faire du sport pour soi, c'est parfois un moyen de conserver sa dignité, encore plus lorsque les repères du monde communiste disparaissent, et avec eux les exigences de résultat lors des grandes compétitions. À la pression des instances sportives s'est substituée la volonté de s'affirmer ou d'exprimer des idées politiques. Ancienne star de l'URSS, le perchiste Sergueï Bubka s'est depuis présenté sous le maillot de l'Ukraine avec une fierté renouvelée. En 1998, la troisième place des footballeurs croates à la coupe de monde en France a œuvré plus que tout autre discours à la reconnaissance internationale.

 

Par Clémentine Blondet

Vignette : le skieur polonais Adam Malysz, saut à ski à Zakopane (sud de la Pologne) pour ses adieux à la compétition en 2011 (Photo libre de droit, attribution non requise).