D55 : Edito

Plus grand réservoir d’eau à la surface de la Terre (370 000 km²), espace fermé, la Caspienne est-elle un lac ou une mer? Les divers documents qui en font mention évoquent plus souvent la mer Caspienne que le lac. Parfois, on rencontre la mention : « la Mer (Lac) Caspienne ». 


Romain GouvernetLe vide juridique sur le statut de la Caspienne résulte d'une situation inédite, issue de l'effondrement de l'URSS en 1991 et de l'apparition consécutive des quatre pays indépendants et riverains que sont l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, le Kazakhstan et le Turkménistan. Le cinquième bordant la mer, au sud, est l'Iran. La région recèle près de 4 % des réserves mondiales de pétrole et les enjeux géopolitiques et économiques y sont de taille. Mais le non règlement juridique du statut est-il un véritable obstacle aux divers projets, en matière d'évacuation des hydrocarbures par exemple ?

Cette nouvelle situation géopolitique a fait éclater un espace maritime qui était « la mer de deux pays », à savoir l’Iran et l’URSS, et ce depuis les Traités russo-perse de 1921 et soviéto-iranien de 1940. Régulièrement évoqués dans les sources contemporaines traitant du régime juridique de la mer Caspienne, ces traités l'avaient soumise à un régime particulier, la faisant échapper au droit international maritime dont la codification, du reste, ne date que de 1958. Le premier Traité de 1921 ne dit donc rien d'un éventuel statut international: la mer n'était pas délimitée par des frontières internationales. Aucune partie n'appartenait exclusivement à l'une ou l'autre partie signataire. Par ailleurs, aucun pays tiers ne pouvait déployer une flotte en mer Caspienne. Il s'agissait d'évincer les puissances occidentales -en premier lieu la Grande Bretagne- ainsi que les grandes entreprises pétrolières de la Caspienne, notamment de Bakou. Des compagnies occidentales avaient commencé à s’intéresser au pétrole d’Azerbaïdjan et de la rive orientale de la Caspienne dès la fin du XIXème siècle, mais elles en avaient été écartées pendant toute la période soviétique. Les dispositions de ces traités étaient surtout centrées sur le commerce, la navigation et la pêche et ne spécifiaient pas d'éventuel partage des ressources minérales. Le traité de 1940 reconnaissait une “partie iranienne” de la mer au sud d’une ligne Astara-Gasankouli.

Les articles de ce dossier dressent un constat du développement des activités tant des pays riverains que des compagnies pétrolières étrangères. Ils tendent à prouver que cette question du statut indécis de la Caspienne ne constitue en rien un réel obstacle à l'affairement actuel des compagnies pétrolières et des pays en quête d'énergie, dont savent jouer les pays riverains.

Photographie : © Romain Gouvernet.

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