Danger : les jeunes générations en voie de disparition en Russie

La population russe est en constante diminution depuis une quinzaine d’année. Avec un taux de natalité parmi les plus bas au monde, la Russie a du souci à se faire. Car à terme, cette tendance aura de lourdes répercussions pour les générations à venir.


jeune russeDepuis l’effondrement du régime soviétique, la situation démographique en Russie se caractérise par un phénomène saisissant: la diminution du nombre de ses habitants. D’après le Service fédéral russe de statistiques, Rosstat, au 1 er octobre 2005, la population en Russie s’élevait à 142,9 millions , reculant de plus de 6 millions de personnes depuis 1991. Si de nombreuses causes sont à l’origine de ce déclin démographique, notamment la progression de la mortalité masculine et l’émigration, l’une des plus inquiétantes est sans nul doute la chute de la natalité qui frappe le pays depuis plus de 15 ans.

Des changements de comportements progressifs

Avec 9,80 naissances pour 1 000 habitants en 2005, le taux de natalité en Russie est l’un des plus bas du monde. S’il y a plusieurs explications possibles à ce phénomène, l’une d’elles est certainement liée au changement de comportement des couples survenu au cours de la dernière décennie. Alors que l’indice de fécondité se situait autour de 2,1 enfants par femme durant la décennie 1975-1985, il est passé à 1,8 sur la période 1985-1995, avant de chuter à 1,2 sur la période 1995-2005.

L'ampleur de la baisse de la fécondité a deux origines : d’une part, les couples aujourd’hui âgés d'une trentaine d'années, encore influencés par les modèles des années précédentes, ont eu leurs enfants très tôt, mais ont maintenant interrompu l'agrandissement de leur famille. D’autre part, l'âge au mariage s'élève progressivement et les couples jeunes reculent la première naissance. La baisse observée de la fécondité ne peut donc pas être interprétée comme la simple conséquence d'un refus d'enfant qui serait dû à une situation socio-économique difficile.

En outre, si l'usage des pilules a fortement augmenté ces dix dernières années – aujourd’hui, 25 % des femmes d'âge fécond pratiquent une contraception moderne - il n’en reste pas moins que l'avortement reste largement pratiqué. D'après Vladimir Koulakov, spécialiste de gynécologie de l’Académie des sciences de Russie, sur 39,1 millions de femmes en âge de procréer, 6 millions sont stériles, en partie à cause des avortements (très largement généralisé à l’époque de l’URSS où la contraception était prohibée). Jusqu’à la fin des années 1990, il y avait en Russie deux fois plus d’avortements que de naissances, car cette pratique restait le principal moyen de contrôle des naissances des Russes.

En moyenne, les femmes subissent trois ou quatre avortements (contre 0,63 en Europe occidentale et 1,5 pour l'Europe orientale) et l’extension de la prostitution, liée à la dégradation des conditions économiques, n'a fait qu'accentuer ce phénomène, dommageable à la santé et la fécondité. Cependant, depuis un peu plus de cinq ans, cette tendance commence à s’inverser et le nombre d’avortement baisse de manière remarquable, confirmant l'apparition de nouveaux comportements dans la société.

Des conséquences dramatiques pour les générations à venir

Les résultats d’un sondage réalisé par l’Institut Iouri Levada (ex-VTsIOM) en septembre 2005, ont permis de révéler que quels que soient les efforts déployés par l'État pour relancer la natalité, ils n’influenceront qu’un très faible pourcentage de la population. Pourtant, la Russie se dépeuple à un rythme tel que la question démographique devient capitale pour l'avenir du pays. En effet, la baisse du taux de fécondité va bientôt impliquer une chute de la population jeune. Si,entre 1975 et 2000, le nombre d’hommes âgés de 15 à 24 ans était compris entre 10 et 13 millions, il risque, selon les projections de la Division de la Population des Nations Unies, de baisser pour atteindre uniquement 6 millions en 2025.

Les conséquences seront dramatiques. « S’il y a moins de jeunes gens pour remplacer les retraités âgés, la question de l’amélioration (voire celle du maintien) du niveau moyen de compétences et de qualifications dans la population économiquement active deviendra préoccupante , analyse le démographe américain Nicholas Eberstadt, dans un article paru dans la revue CommentairesEt, puisque dans le monde entier, les jeunes gens ont tendance à être disposés et associés à l’innovation et à la prise de risque de l’entrepreneur, une baisse de la population jeune pourrait avoir des conséquences impondérables, mais réelles. »

Par Aurélie GAUTHIER