Elections législatives en Ouzbékistan: Dans l’attente du second tour

Le 20 novembre 2009, la Commission centrale électorale avait autorisé les quatre partis politiques NDPOu, UzLiDep, Milliy Tiklanish et Adolat à participer aux élections législatives du 27 décembre 2009.


Au total, 506 candidats se sont présentés pour occuper les 135 sièges de la Chambre basse du Parlement ouzbek (Oliy Majlis). Avec un taux de participation de 87,8 % (15,1 millions sur 17 millions d’électeurs), 94 députés ont été élus au premier tour. Le second tour sera organisé le 10 janvier 2010.

Le nombre de sièges à la Chambre basse est passé de 120 à 150 le 1er janvier 2010. 135 sont destinés aux partis politiques et 15 autres sont réservés d'office au Mouvement écologiste. Ses députés ont été élus à bulletin secret, par la conférence de ce mouvement et non pas au suffrage universel.

« Le Mouvement écologiste d’Ouzbékistan n'est pas un parti politique »

Le Mouvement écologiste d’Ouzbékistan rassemble 85 associations et ONG. Il a été institué en août 2008, en pleine campagne gouvernementale contre les projets, menés dans les pays voisins, de construction de centrales électriques hydrauliques gigantesques et contre l’usine d’aluminium du Tadjikistan qui, située à la frontière ouzbéko-tadjike, pollue la région du Sourkhandaria (sud de l’Ouzbékistan). « Les activités écologiques du gouvernement et des ONG ne sont pas cohérentes et le Mouvement écologiste est censé éliminer ce déséquilibre », avait déclaré M. Mavlianov, alors président de ce Mouvement. Conformément à la loi du 4 décembre 2008, ce Mouvement aura dorénavant un quota permanent de 15 sièges, « car la protection de l’environnement est prioritaire et ce mouvement n’est pas un parti politique », selon Nourdinjon Ismoïlov, président de la Commission pour les questions juridiques et judiciaires de la Chambre basse.

UzLiDeP : vainqueur du premier tour des législatives (34 sièges)

Le Parti libéral-démocrate d’Ouzbékistan (UzLiDeP) est apparu sur la scène politique en novembre 2003, avec l'approbation du chef de l'État. Il représente les entrepreneurs et hommes d’affaires du pays. Son premier président était le responsable de la Pakhta-bank, une des plus grandes banques publiques ouzbèkes. UzLiDep est très présent à la télévision et dans la presse écrite. Ce parti occupait 41% des sièges au Parlement jusqu'aux élections de décembre dernier et de 40 à 60% des sièges dans les assemblées régionales. En février 2005, UzLiDep avait initié, à la Chambre basse, la création d’un Bloc démocratique avec les groupes de députés de deux autres partis, Fidokorlar et Adolat. En 2007, UzLiDep avait désigné Islam Karimov comme candidat à l’élection présidentielle qu'il avait remportée.

Le Parti démocrate Milliy Tiklanish, en deuxième position (24 sièges)

Milliy Tiklanish (Renaissance nationale), créé en juin 1995, se veut le représentant de l’intelligentsia ouzbèke. En janvier 2005, le parti a élu son nouveau président, Khurchid Doustmoukhamedov, journaliste de formation. Il est devenu célèbre grâce à son discours au Parlement après les massacres d’Andijan du 13 mai 2005, comparant leurs victimes (de 187 à 1.000 personnes selon les sources) à « l’écume du bouillon de viande qu’il fallait enlever ». A présent, Kh.Doustmoukhamedov est l’un des trois vice-présidents de la Chambre basse. En juin 2008, lors du congrès conjoint extraordinaire, les partis Fidokorlar (18 sièges) et Milliy Tiklanish (11 sièges) ont annoncé leur fusion. Le nouveau parti a gardé le nom de Milliy Tiklanich, tandis que son président est celui de Fidokorlar, Akhtam Toursounov.

Troisième place pour le NDPOu (22 sièges)

Le Parti national démocrate d’Ouzbékistan (NDPOu) a succédé, par simple changement de nom, à l’ancien Parti communiste d’Ouzbékistan, en novembre 1991, soit deux mois après la proclamation de l’indépendance. Ses 600 000 membres environ sont alors transférés vers le «nouveau» parti. Le NDPOu a hérité de tous les biens mobiliers et immobiliers du PC. La Présidence de la République occupe, du reste, le bâtiment de l’ex-Comité central du PC. Son journal Ouzbekistan Ovozi (Voix de l’Ouzbékistan) est l’ancien quotidien du PC Soviet Ouzbekistoni (Ouzbékistan soviétique), fondé en 1918. Par tradition communiste, le NDPOu prétend représenter les travailleurs. Ce parti était présidé par Islam Karimov, chef de l’Etat et ancien Premier Secrétaire du PC jusqu'en juin 1996, date à laquelle il a annoncé son retrait du parti « pour être neutre et impartial en tant que Président de la République ».

En dernière position, Adolat (14 sièges)

Le Parti social-démocrate Adolat (Justice) a été fondé en 1991, à Namangan, par Takhir Yuldach, afin de lutter contre la corruption et la « décadence morale », allant jusqu'à lyncher prostituées et personnes corrompues. En 1993, Takhir Yuldach a quitté le pays pour l’Afghanistan où, en 1996, avec Djuma Namangani, il avait constitué le Mouvement islamique d’Ouzbékistan. Un deuxième parti homonyme a été créé, en 1994, par un autre opposant du régime, Choukurollo Mirsaïdov, premier et dernier vice-président de la république soviétique d’Ouzbékistan (1990-1991) puis assigné à résidence pendant cinq ans pour «détournement de 5 millions de dollars».

C’est pour neutraliser ces tentatives d’opposants que les autorités auraient fabriqué le troisième parti Adolat, en février 1995, après les élections législatives.

Deux partis historiques et « punis » : Vatan Tarrakiyoti et Fidokorlar

Vatan Tarrakiyoti (Progrès de la Patrie) a été créé sur proposition d’Islam Karimov en 1992. Il s’est d’abord positionné comme un parti d’entrepreneurs, puis a fusionné en 2000 avec le parti Fidokorlar qui, à son tour, a ensuite fusionné avec Milliy Tiklanish…

Vatan Tarrakiyoti est vite devenu populaire. A Djizak, ce parti avait élu comme secrétaire Meli Kobilov, député du dernier Soviet Suprême ouzbek (1990-1994) et président d’une ONG de défense des droits de l’homme. Celui-ci s’est fait connaître par ses critiques adressées aux autorités régionales, notamment à propos de la distribution arbitraire de terres. En 1994, M. Kobilov a été arrêté et condamné à 8 ans de prison pour « possession illégale de drogues et d’armes ». L’opposition affirme que l’opium et l’arme (une cartouche!) avaient été déposés par la police lors de la perquisition à domicile. Autre figure gênante pour les autorités, Roustam Ousmanov, financier du parti Vatan Tarrakiyoti et fondateur de la première banque privée ouzbèke Roustam-Bank. Dans le journal du parti Vatan, il critiquait la politique monétaire de la Banque centrale. En 1994, le Parquet a fermé Roustam-Bank pour « irrégularités financières » et, en 1998, R. Ousmanov a été condamné à 14 ans de prison ferme, peine qu'il purge actuellement.

En 1999, le journal du parti Vatan avait publié un article sur des cas de traitement psychiatrique forcé. Le pouvoir décida alors de fermer le journal mais se heurta à la question de savoir comment procéder avec un média du parti officiel. Une solution simple fut trouvée : fermer le parti ! En avril 2000, Vatan Tarrakiyoti et Fidokorlar ont donc annoncé leur fusion, lors d’un congrès conjoint, sous le nom et la présidence du Fidokorlar.

Le plus actif et médiatisé des partis ouzbeks, le Parti national-démocrate Fidokorlar a fait son apparition sur la scène politique en décembre 1998, pour disparaître brusquement en 2008. Avant de créer ce parti, ses fondateurs, dont le directeur adjoint de l’Institut de recherches stratégiques auprès de la Présidence de la République Erkin Norboutaev, avaient reçu l'agrément du chef de l'État, lors d’une audience à la Présidence, largement relatée par la presse.

Fidokorlar souhaitait se constituer un électorat de jeunes Ouzbeks, à l'image de ses leaders et activistes. Lors des élections de 1999, il n'avait obtenu que 34 sièges sur 250 au Parlement (monocaméral, à l’époque) et, en 2004, 18 sur 120 à la Chambre basse du Parlement bicaméral. Ce qui avait rendu sa fusion avec Milliy Tiklanish surprenante. Selon les observateurs, les deux partis auraient été «punis» pour ne pas avoir réussi à réunir un minimum de signatures en faveur de leurs candidats à la présidence en décembre 2007 (5 % de l’ensemble des électeurs).

Les programmes de tous ces partis sont identiques. Ils défendent les intérêts de la patrie et ceux de l’individu, la protection sociale, encouragent le secteur privé, la protection des traditions et de la culture, le maintien de bonnes relations avec le monde entier... Ces partis se veulent tous démocratiques, avec des préfixes (national-, social-, libéral-)... Aucun d’entre eux ne se présente comme centriste, de gauche ou de droite mais chacun prétend se démarquer des autres par les différentes couches de la société qu’ils représentent. Or cette société, en général, est mal informée sur ces partis et leurs activités. On peut dès lors se demander d’où viennent les 50 000 personnes, minimum requis pour créer un parti, alors qu'aucun militant n'est visible dans les rues, aucun papier publié dans les médias! De mauvaises langues disent que des chefs d’entreprises inscriraient leurs employés comme adhérents de leurs propres partis...

Par Farida CHARIF

Vignette : photo libre de droits, attribution non requise.

244x78