En effet, il ne s'agit pas d'une approche philosophique et encore moins théologique du concept de paix, pour la raison première que je n'ai pas pour cela de compétence particulière. Je propose au contraire une analyse concrète, pragmatique, actuelle et, par conséquent, contingente de l'avenir de la paix, vu par un soldat. "
"Qui peut mieux parler de la paix qu'un soldat?", a-t-on envie d'ajouter après cette déclaration préliminaire à laquelle se livre le Général Cot. Nous touchons dans ces quelques mots l'essence même de La paix du monde; le soldat, l'honnête homme, sans cesse en quête de paix, s'interroge à la lueur de ses expériences militaires passées, parfois douloureuses, tout en nous livrant le témoignage passionnant d'un acteur qui a longtemps foulé les planches de la scène internationale.
La soif de comprendre reste véritablement au centre du livre qui tente de saisir les raisons d'une éternelle barbarie guerrière chez l'homme: en partant des origines, il commence par aborder le vaste débat sur le rapport très ambigu de la guerre et de la paix, à travers une multitude de références historiques, philosophiques ou religieuses (Nietzsche, Machiavel, Clausewitz, Kant, l'abbé de Saint-Pierre, Jean XXIII, Alain,…) pour déboucher sur le constat que la paix peut ne pas être une utopie si les Etats font converger leurs efforts pour appréhender les ressorts de la guerre et ainsi la prévenir; à partir de là, une proposition est faite, mue par la simple observation que, pour contrecarrer un adversaire, il convient dans un premier temps de le connaître et de mettre un nom sur son visage, qui vise à dresser les grands axes de ce que serait la réflexion à conduire et les actions à entreprendre pour arriver à instaurer une paix durable.
Fort de cette progression, le Général Cot exécute un exercice périlleux où la passerelle vers une probable utopie n'est jamais loin, bien que la conscience de son existence soit déjà un gage de son éviction; les propos séduisent, l'expérience et le pragmatisme de l'homme leur accordent un grand crédit.
Pour toutes ces raisons, La paix du monde garde des accents d'acte de foi, elle prodigue des recettes simples ainsi qu'une attitude générale à adopter dans un contexte de plus en plus envahi de considérations complexes et d'un enchevêtrement de réseaux, d'organismes sinon d'influences qui, pour le profane, n'apparaissent pas toujours comme très clairement définies.
A cent lieues d'une somme sur les énièmes visées stratégiques, politiques ou philosophiques qui gouvernent le monde, ce petit livre permet d'éclairer quelques points méconnus sur la réalité des conflits contemporains en proposant une riposte simple dictée par l'expérience d'un homme, volontiers modeste, qui est tout sauf un donneur de leçons.
"Voilà, j'en conviens, beaucoup d'utopie en peu de pages. Au lecteur qui m'a suivi jusque-là, j'offre, comme en gratification, cette dernière citation: "Il est bien difficile qu'une pareille matière (la paix durable) laisse un homme sensible et vertueux exempt d'un peu d'enthousiasme, et je ne sais si l'illusion d'un cœur véritablement humain n'est pas en cela préférable à cette âpre et repoussante raison, qui trouve toujours dans son indifférence pour le bien public, le premier obstacle à tout ce qui peut le favoriser."
La paix du monde. Général Jean Cot, Paris, Castells Labor (collection "Quartier libre"), 2000.
Vignette : Général COT