Mikalojus Konstantinas Ciurlionis, poète de l'imaginaire du peuple lituanien, relève dans ses œuvres, tant picturales que musicales, les légendes ancestrales, le mysticisme et le romantisme de la Lituanie du début du XXème siècle. Voila un étrange personnage, qui ne s'exprimait qu'en polonais à l'époque où cette langue représentait l'ambition des personnes cultivées en opposition à la langue lituanienne parlée dans les campagnes, et qui pourtant, a dédié son œuvre entière à sa terre natale, la Lituanie. Les Lituaniens vouent une adoration grandiose à celui qui a su retranscrire l'essence de leur histoire, leur sensibilité profonde, leur intimité, en ajoutant à la mythologie populaire ses propres visions métaphysiques et cosmiques. Le merveilleux féerique de sa création suscite la rêverie plus qu'il ne pousse à l'admiration. C'est lui qui, à l'époque même où la Lituanie reprenait conscience de son passé glorieux, de ses traditions populaires à travers le réveil national, souhaitait " faire une symphonie du bruissement des vagues, des paroles mystérieuses de la forêt séculaire, du clignotement des étoiles, de nos chansons populaires et de ma langueur infinie ".
Une unité parfaite entre la peinture et la musique
Dans l'histoire de l'art, la création de Mikalojus Konstantinas Ciurlionis est difficile à classer. Puisant dans le romantisme de la littérature de l'époque, puis dans le symbolisme, les théories naturalistes ou les philosophies et mythologies de l'Inde ancienne, il travaille à la création d'un monde nouveau, dont l'impression générale d'harmonie avec le cosmos domine grâce à son jet spontané et à la pureté du message artistique. Dans une lettre à son frère, il écrit : " le cycle " la Création du Monde " n'est pas encore achevé. Cette création du monde diffère totalement de la création biblique ! Elle est autre, c'est un monde fantastique. J'aimerais peindre au moins une centaine de tableaux pour ce cycle… ". Le style de Mikalojus Konstantinas Ciurlionis est donné autant par les couleurs que par le rythme. Adepte par excellence du concept de " couleur-son ", il atteint l'harmonie suprême par la fusion de la musique et de la peinture. Sa musique est pensée en termes de couleurs et d'espace, alors que ses tableaux trouvent leur unité dans la fluidité des couleurs et leur mouvement volatile et gracieux sur la toile. Il n'est pas étonnant de constater que ses tableaux portent les noms de sonates sur les thèmes allegro, andante, tempera etc, alors que les symphonies ont des appellations picturales telles " Dans la Forêt ", ou encore " La Mer ". Cette unité parfaite entre les différentes matières de sa composition lui vaudra une renommée d'abstractionniste.
Artiste non conformiste, incompris de ses contemporains à cause de ses visions futuristes, il délivre à l'aube du XXe siècle, l'évocation, par ses symboles et métaphores, d'un monde nouveau.