Les Echos de Pologne, l’exception à la française dans le paysage de la presse polonaise

Les distributeurs polonais de presse, Empik, Ruch, Trafic Club pour ne citer que les plus gros, ont quelques problèmes à trouver dans leurs linéaires une place aux Echos de Pologne. Et pour cause, le bimensuel est la seule publication de langue française édité en Pologne.


En Pologne, il est possible d'acheter chaque jour Le Monde, Le Figaro, ou chaque semaine Le Nouvel Observateur, au rayon « presse étrangère ». Mais voilà, Les Echos de Pologne ne font pas partie de la presse étrangère mais représentent bel et bien à eux seuls la presse francophone éditée en Pologne.

La communauté francophone en Pologne a son journal

Le premier numéro du bimensuel Les Echos de Pologne a vu le jour le 15 avril 2003. Sorti de la cuisse de trois Polonais et d'une Française, il faut avouer que l'initiative a été largement inspirée, et ils ne s'en cachent pas, d'une première publication francophone, le mensuel Le Courrier de Varsovie qui a cessé ses activités au mois de mars 2003. En effet les quatre fondateurs sont tous issus de cette publication.

Même si le concept en est proche - traiter de l'actualité politique, économique, européenne, sociale et culturelle polonaise en français, Les Echos de Pologne ne sont cependant pas une reproduction au rythme bimensuel du Courrier de Varsovie. Sa ligne éditoriale, tout d'abord, n'est pas que « politiquement correcte ». La cible du bimensuel est élargie, avec la volonté de s'adresser non seulement aux francophones expatriés vivant en Pologne, mais aussi aux Polonais francophones et en général à tous les francophones s'intéressant à la Pologne, où qu'ils soient dans le monde.

Les 3 000 exemplaires des Echos de Pologne sont distribués dans toute la Pologne ainsi que dans quatre points de vente en France (trois à Paris et un à Lille). En outre, une centaine d'abonnés lisent le bimensuel à l'étranger; en France bien sûr mais aussi, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Belgique.

Et pour se faire connaître, à travers le pays et même l'Europe, l'Internet est un outil dans lequel Les Echos de Pologne croient et investissent. Le site www.echos.pl est en effet actualisé quotidiennement, une newsletter lancée en septembre 2003 au rythme bimensuel est devenue hebdomadaire en septembre 2004, en même temps que le lancement des forums et des petites annonces gratuites en ligne. Des outils qui permettent d'augmenter le trafic d'environ 10 % chaque mois. La dirigeante ne croît pas en la cannibalisation de l'édition papier, comme ont pu le craindre, même les plus grandes publications au début de l'Internet. « Aujourd'hui on s'aperçoit que le papier est vraiment irremplaçable, et que les deux éditions doivent être complémentaires ».

La communauté francophone présente en Pologne est estimée à environ 7 500 personnes dont 75 % vivraient à Varsovie. La plupart d'entre eux sont des employés de sociétés françaises en contrat d'expatriation. Mais pas tous. En effet, la Pologne, et souvent dit-on « surtout les Polonaises », ont attiré un certain nombre d'« aventuriers », venus tenter leur chance dans les affaires en créant des PME. Tout secteur d'activité et taille de société confondus, on estime à environ 700 le nombre de sociétés à capitaux totalement ou partiellement français.
En outre ces derniers temps la Pologne intéresse de plus en plus jeunes diplômés, ou trentenaire en manque d'expérience à l'international.

La Pologne, pays francophile

On associe souvent la Pologne à un pays particulièrement francophile, et par extension très francophone. Tout est relatif. Même s'il est possible de trouver sans trop de problème des professionnels francophones à tous les échelons de la hiérarchie dans l'entreprise et dans à peu prêt tous les secteurs d'activités, seulement 10 % des personnes connaissant une ou plusieurs langues étrangères parlent la langue de Molière. Un chiffre qui la place en quatrième position des langues pratiquées dans le pays, loin derrière le russe (64 %), l'anglais (53 %) et l'allemand (44 %).

Pas étonnant dans ces conditions, de trouver plusieurs publications anglophones dont la dernière en date, Poland Monthly, vient de fêter son troisième anniversaire. Trois hebdomadaires généralistes, Warsaw Voice, Warsaw Business Journal (tirant tous deux à 10 000 exemplaires), New Warsaw Express et plusieurs publications spécialisées dans des secteurs d'activités précis, comme l'immobilier, se partagent le marché.

Les Echos de Pologne se sont fixés pour vocation de défendre et de promouvoir la langue française en Pologne, de façon tout à fait indépendante des pouvoirs publics. Dans cette optique le bimensuel s'associe et promeut de nombreuses manifestations francophones, intervient dans les programmes scolaires francophones, met en place des activités pédagogiques avec les professeurs de français (comme les rendez-vous francophones ou la grande dictée francophone).

Mais s'adresser aux Polonais pour leur parler dans une langue étrangère de l'actualité de leur pays a-t-il réellement du sens ? Ils auront en effet déjà lu les scoops dans leur quotidien préféré pour un euro de moins. Mais les Polonais qui parlent français, sont heureux de garder un contact avec la langue de Molière tout en comprenant immédiatement à la lecture de l'article de quoi il retourne. Inutile d'avoir lu les numéros précédents pour suivre l'affaire, point besoin de lire avec son dictionnaire français-polonais en dix volumes pour comprendre la langue… car précisément, celle employée par Les Echos de Pologne est volontairement simplifiée sans être appauvrie. Dans les pages culturelles, les Polonais peuvent voir les programmes des manifestations qui se déroulent dans leur ville. Notons aussi que leur porte-monnaie en est épargné car la presse étrangère, d'où qu'elle vienne, peut s'avérer assez chère en Pologne… quand on la trouve.

Un avenir pour d'autres journaux francophones ?

Si le marché de la presse anglophone en Pologne s'est bien développé, avec comme nous l'avons vu plusieurs hebdomadaires et publications spécialisées, il est peu probable que la presse francophone connaisse un tel essor. En effet, la langue de Molière est malheureusement en recul dans les écoles et il faut bien avouer que dans beaucoup de domaines et de grandes sociétés, même françaises, la langue de communication reste l'anglais.

Vignette : Logo des Echos de Pologne (Par inconnu — http://www.echos.pl, marque déposée, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?curid=7787249)

* Virginie MEMETEAU est directrice des Echos de Pologne

 

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