D’une manière générale, le confinement a été relativement bien respecté par l’ensemble des ressortissants bulgares résidant en France. Ce fut notamment le cas pour leurs compatriotes des minorités roms et turques implantés à Autun, où pour ceux qui vivent habituellement dans des communes rurales du Sud-Ouest (Auvillar, Saint-Nicolas-de-Lagrave, etc.)
Cependant, un relâchement a été observé au cours des dernières semaines précédant la fin des mesures à Moissac. Cette évolution peut s’expliquer en partie par la faiblesse du nombre de cas détectés et de décès imputés au Covid-19 (125 personnes le 22 mai) en Bulgarie.
Alors que le gouvernement et les médias bulgares avaient fortement sensibilisé la société civile aux risques liés à la pandémie, suscitant ainsi des craintes parmi les communautés d’expatriés, ces dernières ont vu peu de leurs membres effectivement impactés. Souvent peu instruites, certaines familles bulgares se sont imaginées que les « peuples balkaniques » avaient des prédispositions physiologiques les protégeant du virus. En réalité, si les pays des Balkans ont été peu affectés par l’épidémie, c’est surtout parce que ces territoires sont peu densément peuplés, que des mesures drastiques ont été rapidement prises par les autorités et que ces régions sont relativement peu touristiques. Pourtant, certaines familles installées à Moissac, parmi les plus croyantes (évangéliques, adventistes…), pensent que Dieu lui-même les protège du Covid-19. Enfin, l’aspect clanique et familial des relations des membres de la communauté rom moissagaise permet de mieux comprendre le retour de la pratique des embrassades entre Bulgares (parfois en pleine rue) depuis le 11 mai. Lorsque toutefois des « gestes-barrières » sont pratiqués au sein de la communauté, c’est le « fist bump » (« entrechocage » de poings), qui est privilégié pour se saluer. Selon une étude britannique réalisée en 2014, cette technique permet de réduire de 90 % la transmission de bactéries par rapport à une poignée de mains classique.
Par ailleurs, les familles, qui vivent en promiscuité dans de petits logements, sont désormais très présentes dans les rues de la ville, alors que les autochtones, souvent des populations plus âgées et vulnérables, se maintiennent davantage confinées. Leur ressentiment envers les Bulgares continue à s’accroître, ce qui pourrait avoir des conséquences sur le résultat du scrutin du deuxième tour des élections municipales le 28 juin prochain. Pour rappel, la présence bulgare à Moissac a été au centre de la campagne et la liste du Rassemblement national est arrivée en tête du premier tour, avec plus de 47 % des suffrages.
Les autorités locales devraient prochainement procéder à de nouvelles diffusions de messages audio en langue bulgare afin de sensibiliser cette frange de la population sur la nécessité de respecter les mesures de prévention.
Sources : CIReB, Kapital, entretiens réalisés avec des acteurs du monde social et de la communauté bulgare.