Lituanie : l’avenir des Bélarusses réfugiés en question

La principale opposante bélarusse, Sviatlana Tsihanouskaïa, réfugiée en Lituanie depuis 2020, a tiré la sonnette d’alarme auprès de son pays d’accueil, bien connu pour recevoir de nombreux Bélarusses en délicatesse avec le régime de Minsk : le 15 décembre 2023, elle a interpellé les élites politiques lituaniennes sur le cas de 2 000 Bélarusses dont le permis de séjour temporaire n’a pas été renouvelé par les autorités lituaniennes sans que la raison en soit explicitée. L’opposante a reconnu ne pas avoir connaissance de chaque cas individuel mais a dit craindre la construction d’un nouveau rideau de fer, entre Lituanie et Bélarus. Pour elle, la plupart de ces 2 000 personnes ne peuvent envisager de retourner au Bélarus, ou au risque d’y être persécutées, voire incarcérées.

En effet, Vilnius envisage de renforcer les restrictions imposées aux citoyens bélarusses vivant en Lituanie : ils se retrouveraient soumis au même traitement que les citoyens russes, c’est-à-dire que la Lituanie cesserait d’accepter leurs demandes de permis de séjour temporaire adressées via des prestataires de services situés hors de Lituanie. Les citoyens bélarusses devraient en outre passer un examen de langue lituanienne pour obtenir le renouvellement de leur permis de séjour. Ces amendements présentés au Seimas, le Parlement lituanien, ont été proposés en réponse à des rapports des services de renseignement lituaniens faisant état de la croissance de l’activité de leurs homologues bélarusses et de celle du nombre d’étrangers entrant dans le pays.

« Nous comprenons les préoccupations [de Vilnius] en matière de sécurité et sommes prêts à aider à identifier les agents et les partisans du régime. Mais vous devez combler les lacunes des sanctions européennes et cesser de financer les répressions du régime et la guerre en Ukraine », a déclaré S. Tsihanouskaïa. Le bureau de l’opposante, qui dispose de ses propres bases de données, pourrait notamment vérifier le parcours des Bélarusses qui demandent un permis de résidence.

Vital Rymasheuski, co-président du parti bélarusse chrétien-démocrate et réfugié en Pologne, s’insurge contre l’idée selon laquelle les Bélarusses constitueraient une menace pour a sécurité nationale de la Lituanie. Pour lui, les Bélarusses sont aujourd’hui un peuple sans État, car leur gouvernement ne représente pas leurs intérêts : « S’il vous plaît, ne construisez pas de rideau de fer, aucun État ne peut vaincre l’ennemi en construisant une muraille de Chine. Ceux qui luttent contre le régime ont besoin de vous », argue-t-il. Le conseiller de S. Tsihanouskaïa, Anatoli Liabedzka, explique quant à lui que les Lituaniens se rendant au Bélarus pourraient bien, eux aussi, constituer une menace pour la sécurité nationale de la Lituanie : et de raconter son échange avec un groupe de Lituaniennes s’émerveillant de l’état des routes et du prix de la vodka au Bélarus, pays vers lequel de nombreuses agences touristiques lituaniennes affrètent des bus tous les dimanches…

Pour le député Audronius Azubalis, l’un de ceux à l’origine des amendements proposés, la plupart des ressortissants bélarusses présents en Lituanie sont des migrants économiques et il sont particulièrement vulnérables à l’influence des services bélarusses.

Sources : Lrt.lt, The Baltic Times.