‘Non à la guerre’ : une presse russe assez silencieuse

Dès le 24 février, des manifestations demandant l’arrêt de la guerre en Ukraine ont eu lieu dans plusieurs villes russes. Les plus significatives se sont tenues à Moscou, Saint-Pétersbourg, Ekaterinbourg, Novossibirsk et Tioumen. Depuis, et malgré l’interdiction, certains citoyens russes continuent d’exprimer dans la rue leur désaccord. Dans le pays, le sujet est peu traité par les journaux officiels. Comme dans tout conflit, les chiffres et les données varient du simple au double en fonction du point de vue.

Le journal RBK rapporte qu’Ilya Fomintsev, créateur d’une fondation médicale et directeur d’une clinique privée, a été arrêté suite à sa participation à Moscou à la manifestation non autorisée contre la guerre en Ukraine. Il s’était exprimé publiquement sur sa page Facebook contre l’offensive russe en Ukraine, rappelant « qu’il ne faut pas penser que la liberté peut être défendue par des personnes elles-mêmes non libres ». Souhaitant faire tout ce qu’il pourrait pour que « cela s’arrête », il a appelé le peuple russe à exprimer son désaccord. Le tribunal de Moscou l’a condamné à 20 jours de détention « afin de prévenir d’éventuelles autres infractions ». Avec lui, environ 600 manifestants ont été arrêtés à Moscou et 400 à Saint-Pétersbourg, selon les forces de police. Le nombre total de manifestants n’a pas été communiqué. Les arrestations sont effectuées pour « violation de la procédure légale sur la conduite d’un meeting, d’une manifestation ou d’une grève ».

À Tioumen, c’est Marina Litvinovitch, militante des droits de l’Homme, qui a appelé le peuple russe à manifester sa désapprobation. Un rassemblement spontané a eu lieu sur la place centrale de la ville, devant le Parlement régional. Il s’agissait de protester contre l’agression militaire mais aussi d’évoquer les conséquences prévisibles de l’offensive : une participante a ainsi estimé que cette guerre allait aggraver la situation économique déjà difficile du pays, et que la population russe en paierait les conséquences. Une dizaine de manifestants ont été arrêtés, pour participation à une manifestation non-autorisée.

La presse russe officielle ne couvre que très peu le sujet, relayant peu les informations concernant ces manifestations qui jouissent en revanche d’une forte popularité plus à l’Ouest. Les témoignages recueillis, quand ils sont publiés, restent succins et se concentrent largement sur les difficultés économiques à venir en Russie en raison des sanctions. La guerre et ses raisons sont peu discutées.

Le journal Vedomosti n’évoque aucune de ces manifestations, mais un lien sur le site permet d’avoir accès à un sondage sur « l’opinion des russes vis-à-vis de l’opération spéciale dans le Donbass » : publié le 23 février (c’est-à-dire avant le déclenchement des opérations) par le Centre panrusse d’étude de l’opinion publique (VTsIOM), ce sondage porte en fait sur « l’attitude des Russes face à la décision présidentielle de reconnaissance des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ». L’enquête réalisée par appel téléphonique le 22 février auprès de 1 600 Russes montre que 73 % des personnes interrogées se disent favorables à cette reconnaissance, 16 % ne la soutiennent pas et 11 % ne se prononcent pas. Au même moment, un sondage réalisé par CNN montrait que la moitié des Russes interrogés disaient que la Russie ferait bien d’utiliser des moyens militaires pour empêcher l’Ukraine de rejoindre l’OTAN (25 % s’y opposant).

Sources : RBK, Vedomosti, Publico.ru, CNN.