La question de l'adhésion de l'Ouzbékistan à l'Union économique eurasiatique (UEEA) est activement débattue depuis plusieurs années dans ce pays qui, le 11 décembre 2020, est devenu observateur de l’organisation, ne s’interdisant pas d’envisager une adhésion complète.
D’un point de vue stratégique, l’UEEA ne peut se passer d’un acteur aussi important que l'Ouzbékistan (33 millions d'habitants, deuxième économie d'Asie centrale après le Kazakhstan), même si l’économie du pays reste balbutiante, avec un cycle de libéralisation à peine entamé (près de 70 % de l'économie restent nationalisés et les tarifs douaniers sont les plus élevés de la région). Toutefois, lors des discussions sur la Stratégie de développement jusqu'en 2025 de l’Union, deux participants de l’UEEA ont exprimé leurs inquiétudes quant au processus de prise de décision au sein l'Union : la question s'est même posée de savoir dans quelle mesure l’Union avait besoin d'un acteur si peu accommodant que l’Ouzbékistan. D’éventuelle négociations en vue d’une adhésion s’annoncent donc difficiles.
Vladislav Inozemtsev, expert russe du Centre d'études stratégiques et internationales (Washington), soupçonne la Russie de vouloir instrumentaliser l'UEEA pour consolider sa position dans l'espace post-soviétique par des leviers d'influence économique et politique. Selon l'expert, l'UEEA ne serait pas aujourd'hui une organisation d'intégration politique, mais un bloc purement commercial : on n’y trouve en effet ni investissements mutuels, ni institutions supranationales, ni politiques communes, comme cela peut être le cas dans l’Union européenne par exemple. V. Inozemtsev ne voit rien de tout cela émerger dans un avenir proche, si ce n’est l’élargissement prévu de l’union douanière.
Selon certains avocats ouzbeks, il serait plus opportun pour le pays de commencer par adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), comme l'ont fait la plupart des membres de l'Union. Cela permettrait à l’Ouzbékistan de bénéficier d’un grand nombre de suspensions tarifaires.
Mais l'adhésion de l'Ouzbékistan à l’UEEA pourrait aussi servir de levier politique pour améliorer les règles de l'Union elle-même, voire impulser une évolution institutionnelle en son sein : ainsi, l’Union pourrait gagner en efficacité si elle permettait à la Commission eurasienne, la cour de l'UEEA, d'agir de la même manière que, par exemple, la Cour européenne de justice (CEJ).
L’adhésion de l’Ouzbékistan pourrait donc constituer un levier historique en faveur d’une intégration plus poussée au sein de l’UEEA, permettant l’émergence de nouvelles institutions supranationales à côté du Conseil des chefs de gouvernement. Au contraire, toute inertie en matière d’intégration pourrait se révéler à terme fatale.
Sources : Central Asia Bureau for Analytical Reporting, Regionalnyï krouglyï stol « Prisoedinenie k Evraziïskomou Ekonomitcheskomou Soiouzou : perspektivy Evraziïskogo delovogo soobchtchestva dliâ Ouzbekistana (organisée par la Chambre américaine de commerce en Ouzbékistan, 13 octobre 2020), uz.sputnik, eaeunion.org.