Russie : la musique et la jeunesse qui inquiètent le pouvoir

Le tribunal du district Leninskiï de Saint-Pétersbourg a infligé le 28 octobre une amende de 30 000 roubles (320 €) à la chanteuse de rue de 18 ans, Diana Loguinova : reproche lui est fait d’avoir interprété la chanson de l’artiste en exil Monetotchka (déclarée agent de l’étranger), Ty soldat (Tu es soldat). Au terme de l’article 20.3.3  du Code administratif, ce morceau serait un discrédit contre l’armée russe, même si nulle part n’y est fait référence à la Russie ou à l’armée, mais seulement aux dégâts psychologiques provoqués par la guerre.

Diana Loguinova, connue sous le nom d’artiste de Naoko et soliste du groupe Stoptime, s’est défendue en rappelant que son activité de musicienne de rue visait à partager la musique qu’elle aime ; elle a nié toute intention politique. Auparavant, elle s’était exprimée sur ses choix musicaux, expliquant qu’ils étaient guidés par l’amour que transmettaient certains textes : « Je comprends que l’art est aujourd’hui le seul langage – du moins en Russie – à travers lequel on peut dire ce que l’on pense. Je l’ai choisi et je ne veux en parler aucun autre. »

Son avocate a relevé que la police n’avait pas précisé quelles paroles du morceau mis en cause avaient pu être jugées « offensantes ». Or, selon elle, des experts indépendants n’auraient trouvé aucun discrédit à l’encontre des Forces armées russes dans cette chanson. L’avocate a par ailleurs dénoncé des violations dans la rédaction du procès-verbal dressé contre sa cliente : le PV ne contient pas le texte complet de la chanson mise en cause, aucune date mentionnant l’interprétation par Naoko n’est précisée et les policiers ont négligé de signer le PV.

Naoko a été arrêtée le 16 octobre à Saint-Pétersbourg avec ses deux comparses, le guitariste Alexandre Orlov et le batteur Vladislav Leontiev, et condamnés à une douzaine de jours de détention pour avoir organisé un rassemblement non-autorisé : ils auraient ainsi perturbé « la circulation et l’ordre » de la ville, alors que 70 personnes environ écoutaient leur performance et reprenaient en cœur les paroles du morceau de Monetotchka.

Après leur arrestation, plusieurs jeunes artistes de rue à travers la Russie ont repris les paroles de la chanson de Monetotchka, au risque d’être eux aussi arrêtés, et ont réclamé la levée des charges contre les musiciens de Stoptime.

Un deuxième PV vise Naoko, pour avoir interprété la chanson Svetlaïa polossa de l’autre artiste russe en exil, Noize MC. Naoko avait coutume depuis l’été dernier de reprendre fréquemment dans la rue des morceaux de divers artistes déclarés agents de l’étranger (outre Noize MC dont elle reprenait le célèbre morceau Coopérative Lac des cygnes, allusion à la gérontocratie des années 1980 et à l’attente de voir V. Poutine sortir enfin de la scène, elle chante Zemfira, Bi-2…) ou du groupe ukrainien Bumboks.

Sources : The Moscow Times, Meduza.io, Novaya Gazeta Europe, Dojd.