Russie : l’État récupère les vodkas Stolichnaya et Moskovskaya

Par Céline Bayou (sources : Spimport.ru, The Moscow Times, Delfi.lv, Reuters, BBC)

Cela faisait plus de dix ans que l’affaire traînait et que les consommateurs les plus avertis n’y comprenaient pas grand-chose. Quintessence du savoir-faire russe, les vodkas Stolichnaya, Moskovskaya mais aussi Na Zdorovie faisaient l’objet d’un procès entre la compagnie publique russe Soyuzplodoimport et Spirits International (SPI), en désaccord depuis la privatisation controversée des marques en 1997.

Le tribunal de Rotterdam vient d’établir que les droits sur les trois marques de vodka doivent revenir à la compagnie russe, la privatisation de 1997 s’avérant entachée d’irrégularités. Celles-ci se sont faites au détriment de l’État russe et au profit de la société luxembourgeoise SPI détenue par l’homme d’affaires Youri Chefler. Une plainte avait été déposée contre SPI en 2003.

Dès lors, SPI –qui apparaît comme utilisateur abusif des marques– va devoir verser des compensations à Soyuzplodoimport et lui reconnaître la pleine propriété des marques d’ici trois mois. Dans la négative, Spirits International devra en outre s’acquitter de 50.000 euros par jour. Le jugement est valable exclusivement pour les territoires du Benelux mais Soyuzplodoimport espère qu’il fera jurisprudence.

En 2013, la vodka Stolichnaya avait été placée dans la liste des produits objets d’un boycott de la part de certains bars et clubs aux États-Unis et en Europe, afin de protester contre la législation homophobe adoptée en Russie. Le responsable du groupe SPI avait alors affirmé son soutien aux mouvements LGBT et souligné le fait que la vodka citée n’était pas un produit russe puisqu’il faisait l’objet d’une production exclusive en Lettonie. En effet, Stolichnaya, l’une des plus anciennes vodkas russes, fait l’objet d’un processus complexe de fabrication. L’alcool brut est extrait à Tambov, où la division agricole de SPI exploite près de 6.000 hectares de terres sur lesquelles sont cultivés blé d’hiver, orge et blé de printemps. SPI a investi 100 millions de dollars sur place pour moderniser le processus de distillation, l’une des étapes-clés de la production. La finition et la mise en bouteille de la «Stoli», comme aiment à l’appeler ses afficionados, se déroulent ensuite à la distillerie Latvijas Balzams de Riga, détenue elle aussi par le groupe SPI. La compagnie lettone peut se prévaloir d’une expérience d’un bon siècle dans la production de vodkas et de liqueurs. Elle «finalise» ainsi la Stolichnaya depuis 1948 et la vodka fait l’objet d’exportations depuis 1956.

La pleine propriété de ce produit emblématique va donc revenir à l’État russe et Spirits International ne sera plus autorisé à affirmer qu’il produit des «vodkas russes» ou produites en Russie et à les commercialiser, à tout le moins, dans les pays du Benelux. SPI n’exclut pas de faire appel.