En autorisant des navires sans classification glace à circuler sur la Route maritime du Nord (RMN), Moscou pourrait pousser la navigation arctique à la catastrophe, estiment les experts.
Récemment, le tanker Lynx, long de 275m, battant pavillon omanais et chargé de 150 000 tonnes de pétrole, a heurté les glaces alors qu’il faisait route de Mourmansk vers la Chine. Il a dû attendre quelques jours, à 72° de latitude Nord, avant de reprendre sa route à faible vitesse, une fois les conditions de glace améliorées. Le Lynx n’est pas classé pour la navigation dans les glaces et l’incident aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves que quelques jours d’immobilisation.
Or, ce cas n’est pas isolé. Quelques jours avant, un navire transportant du gaz naturel liquéfié (GNL), l’Arctic Metagaz, a dû attendre plus d’une semaine dans la mer de Sibérie orientale avant d’être dégagé des glaces.
Dépourvus de coques adaptées à la navigation dans les glaces, tant le Lynx que l’Arctic Metagaz s’étaient abstenus de demander l’escorte pourtant obligatoire d’un brise-glace. Tous deux relèvent de la flotte fantôme russe et figurent sur la liste des sanctions internationales. Les deux bâtiments changent régulièrement de pavillon et de propriétaire.
Début octobre, trois autres pétroliers relevant de la flotte fantôme et dépourvus de classification glace sont partis de Saint-Pétersbourg (le Makalu et l’Aquatica) et de Mourmansk (le Danshui) en direction des mers de Laptev et de Sibérie orientale, avec pour destinations finales des ports chinois.
Aucun des bâtiments cités ne figure dans le registre en ligne de l’administration de la Route maritime du Nord, gérée par la société nationale à l’énergie atomique, Rosatom, chargée de réguler le transport maritime dans la région. Ce registre est censé lister tous les navires autorisés à emprunter la RMN.
Les experts comme Ksenia Vakhroucheva, conseillère pour les projets arctiques au sein de l’organisation écologique Bellona, alertent sur la prise de risque croissante assumée par les autorités russes qui tentent de dissimuler ces mouvements et ces chargements : « L’attitude des autorités à l’égard des risques environnementaux est insignifiante. Nous apprenons qu’une marée noire est en cours par les journalistes internationaux qui suivent les images satellites, plutôt que par les autorités russes. »
La Russie promeut la RMN comme alternative au canal de Suez mais le manque de navires adaptés la pousse à utiliser des tankers et des méthaniers ordinaires.
Sources : The Barents Observer, VKontakte, nsr.rosatom.ru.