Ushtria Clirimtare e Kosovës, une armée divisée…

Rien n'y fait. Malgré l'abondance de journalistes et d'observateurs internationaux dans cette région en crise, l'UCK draine toujours autant de mystères sur son organisation et sa structure interne.


logo de l'UCKLe black-out médiatique fonctionne parfaitement. Avancer quelque explications et allégations à son sujet relève d'une mission hasardeuse tant les rares informations recueillies ne trouvent de confirmation dans les réseaux officiels. Les questions sur l'origine de cette armée, sur le nombre d'hommes ou encore sur l'approvisionnement d'armes restent sans réponses précises. Des renseignements si divergents nous amènent dans le meilleur des cas à de grossières approximations.

Origines

Les origines de la création de l'UCK font l'objet d'analyses totalement contradictoires. Deux courants se distinguent cependant et pourraient éventuellement se rejoindre. La première thèse défend l'idée selon laquelle l'UCK aurait été créée par Adem Jashari, originaire de la Drenica; celle-ci aurait été soutenue par des courants trop incertains pour les citer. Adem Jashari ainsi que toute sa famille furent d'ailleurs assassinés, en février 1998, lors des massacres de la Drenica. Après la mort de ce dernier, Thaci aurait repris la direction de cette armée. La seconde thèse nous projette en 1983, au cours de la politique visant à radier les Albanais du Kosovo de tous les postes administratifs. Cette politique de répression aurait entraîné l'ouverture d'un compte bancaire en Suisse pour parer à un avenir incertain. Ce compte a ensuite servi à financer l'UCK.

Courants

L'UCK n'est pas un bloc compact et ne l'a jamais été. A l'heure où le conflit s'intensifie entre Serbes et Albanais, la course pour le pouvoir au sein de l'UCK n'a pas disparu. L'après-indépendance se prépare déjà dans les hautes sphères de cette armée. Pourtant on aurait pu croire que le durcissement des combats de juillet dernier et l'aggravation des attaques serbes depuis les bombardements de l'OTAN, rapprocheraient les différentes tendances de l'UCK.

Actuellement deux courants dirigent deux armées différentes se réclamant du même nom: l'UCK issue de la Drenica (léninistes-marxistes) dirigée par Thaci, et l'UCK dite gouvernementale, plus modérée, de Bukoshi (premier ministre en exercice de Rugova). Les "extrémistes" de Thaci seraient soutenus par le gouvernement "socialiste" albanais alors que l'UCK de Bukoshi bénéficierait de l'appui de Sali Berisha, ex-président de l'Albanie à la tête du parti démocratique. Les recrues en provenance directe de l'étranger désirant rejoindre l'UCK seraient prises en charge via le port de Durrës par la structure de Thaci et dirigées vers la douzaine de camps d'entraînement situés en Albanie. Cela signifierait-il que seuls les officiers de Thaci formeraient les Albanais venus de l'étranger? Possible. Un soldat de l'UCK de Bukoshi a confirmé que dans les camps d'entraînement de son armée, il n'y avait pas d'Albanais originaires de l'Occident; le transfert d'hommes reste peu probable au vu des tensions relatives entre ces deux armées.

En août dernier, quelques incidents ont eu lieu concernant notamment des vols d'armes et de munitions entre les deux fractions de l'UCK. Par ailleurs, les représentants de chaque armée s'accusent mutuellement de mener une politique attentiste et de ne pas être posté sur le front au Kosovo. Ce schisme pourrait par la suite jouer des tours à l'UCK. Tout porte à croire qu'en cas de soutien logistique plus conséquent, les Américains ne décideraient de soutenir que l'armée de Bukoshi, créant ainsi un fossé plus important entre ces deux courants.Lorsque l'on parle de courants politiques au sein de l'UCK, il est important de distinguer la base du sommet de la pyramide. Les Albanais ne choisissent pas telle ou telle armée pour des raisons idéologiques mais plutôt pratiques. De plus, au sein des camps d'entraînement, les soldats ne subiraient apparemment pas de propagande politique durant leur mois de formation. En revanche, la distinction entre modérés et extrémistes prend de l'ampleur sur la scène internationale.

Mais il s'agit de nouveau d'un faux problème: ce ne sont pas les divergences politiques qui ont entraîné la création des deux UCK, puisque toutes deux sont d'obédience communiste. Le gouvernement de Bukoshi a été amené à créer dès 1998 l'UCK gouvernementale tentant ainsi d'absorber l'UCK de la Drenica, plus ancienne et jugée incontrôlable. La Ligue Démocratique du Kosovo (parti de Rugova) n'avait pas à l'époque d'emprise sur l'UCK de la Drenica. C'est pourquoi parler actuellement de l'UCK en tant qu'unité se révèle absurde. Et cette différence créera sans doute de nombreux contentieux dans le cas d'un Kosovo indépendant.

 

Par François GREMY

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