Le niveau et les caractéristiques de la demande d’énergie devraient logiquement modeler l’offre. L’utilisation de mécanismes de marché, et le recours aux politiques publiques volontaristes lorsque ceux-ci sont insuffisants ou déficients, permettent d’agir et de satisfaire la demande avec un triple objectif de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité et de réduction des impacts environnementaux.
Une facture énergétique en augmentation
La dimension de la demande est d’autant plus importante pour les PECO dont l’intensité énergétique (tonne-équivalent pétrole ou tep/unité de PNB) est toujours de deux à trois fois plus élevée que la moyenne de l’UE à 15. Ce haut niveau de consommation hérité du système d’économie planifiée combiné à des prix de l’énergie désormais au niveau du marché international a logiquement gonflé la facture énergétique tant des pays que des consommateurs (de l’ordre de 10 à 25 % des revenus), aux dépens de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des ménages.
Economies d’électricité possibles
Aussi, le moyen de réduire cet impact et la dépendance de combustibles fossiles et nucléaires importés pour l’essentiel de Russie, est de réduire le haut niveau relatif de consommation. Il s’agirait d’utiliser des techniques disponibles simples et à temps de retour rapide (ex. isolation, thermostat, appareils électriques labellisés classe A). Le gisement d’économies d’électricité est d’au moins 20 % à court terme.
Une priorité insuffisante
Or, les politiques de maîtrise de l’énergie dans les PECO sont restées timorées même à la suite de la récente augmentation des prix des hydrocarbures. Seules, la Hongrie et la Slovénie, par ailleurs en pointe dans les réformes des énergétiques, ont mis en place des plans d’actions de maîtrise de l’énergie.
Les autres pays ont déployé pour l’instant de faibles moyens. Pour exemple, l’Agence polonaise de l’énergie ne compte que 30 personnes contre près de 500 aux Pays-Pas, pays pourtant presque trois fois moins peuplé. Les actuels ou futurs pays membres se cantonnent généralement à une simple transposition des directives européennes dans ce domaine avec une mise en œuvre insuffisante.
Aussi, il apparaît peu probable que les pays de la région puissent ramener leur intensité énergétique au niveau de l’UE à 15 d’ici la prochaine décennie malgré l’objectif affiché. Plus inquiétant est le persistant couplage entre consommation énergétique et développement économique qui pourrait fortement alourdir la facture énergétique et la dépendance conduisant comme en Espagne à des goulets d’étranglements dans l’approvisionnement et de coûteux et croissants investissements.
La nécessité de politiques volontaristes de long terme
Dans ses revues des politiques énergétiques des PECO, l’Agence Internationale de l'Energie[1] (AIE) préconise la définition et mise en œuvre d’ambitieuses politiques de maîtrise de l’énergie reposant sur de solides plans d’action et institutions ainsi que sur l’outil réglementaire. Ces mesures s’avèrent peu coûteuses et améliorent durablement les performances énergétiques des bâtiments, appareils et véhicules. De même, la suppression des subventions et avantages tarifaires accordés au chauffage électrique classique à faible efficacité énergétique (20/25 % contre plus de 90% pour des applications directes type chaudière à gaz ou biomasse) et au coût élevé réduirait les pertes. En Hongrie, l’utilisation de fonds de maîtrise de l’énergie (type « revolving ») ou du tiers financement (type «ESCO»[2]) permet de financer l’investissement initial qui est ensuite remboursé par les économies sur la consommation d’énergie et la maintenance.
Les bénéfices de ces politiques volontaristes sont multiples permettant notamment de réduire la facture énergétique dans un contexte de prix hauts et volatils ainsi que l’impact environnemental, et donc de bénéficier des nouvelles opportunités d’échange de droits d’émission de CO2 (au sein de l’UE et entre pays signataires du protocole de Kyoto), ainsi que de générer de nouvelles activités et emplois décentralisés.
La récente crise du gaz russe et la hausse des prix de l’énergie ouvrent une opportunité supplémentaire aux PECO de développer d’ambitieuses politiques énergétiques et de rejoindre les pays européens qui ambitionnent de réduire par quatre (« facteur 4»[3]) leurs consommations d’énergie et d‘émissions de CO2 d’ici 2050.
* Emmanuel BERGASSE est administrateur pour l’Europe centrale et orientale. Agence Internationale de l'Energie (AIE).
[1] AIE : organisation intergouvernementale (www.iea.org) fondée en 1974 au sein de l'Organisation pour la co-opération et le développement économiques (OCDE). Sa mission principale de palier à des interruptions de l’approvisionnement énergétique a été étendue aux statistiques, analyse et conseil en politique énergétique, analyse et projection des marchés d'énergie, efficacité énergétique et changement climatique. Les revues de politiques énergétiques de la République tchèque (2001, 2005), Hongrie (2003), Slovaquie (2005) et des pays de la mer noire sont téléchargeables (gratuitement pour celles publiées avant 2005) sur la page PECO : www.iea.org/Textbase/subjectqueries/nmc/europe.asp).
[2] BERD :
www.ebrd.com/country/sector/energyef/showcase/esco.pdf;
www.france-cei.com/imprimer.php3?id_article=1752
[3] Voir Ministère de l’Industrie :
www.industrie.gouv.fr/energie/prospect/facteur4.htm
et l’association NégaWatt (scénario négaWatt 2006) :
www.negawatt.org