Vache folle : la psychose gagne l’Est

La découverte de cas de vache folle en Allemagne et en Autriche semble dessiner la "progression" de la maladie vers l'est du continent européen et suscite en même temps l'inquiétude des régions jusqu'à ce jour épargnées. Ainsi, des pays limitrophes de l'Union comme la Slovénie et la Croatie sont à leur tour touchés par une psychose en partie largement ment propagée par la presse.


Il n'y a pas si longtemps, les dirigeants allemands et autrichiens, ainsi que leurs homologues espagnols et italiens, parlaient de la vache folle comme d'une maladie touchant exclusivement leurs voisins européens. Les démissions, en janvier dernier, des ministres de la Santé et de l'Agriculture allemands, au lendemain de l'apparition des premiers cas dans leur pays, résument à elles seules l'incertitude qui plane désormais sur les moyens à mettre en œuvre pour éradiquer, sinon freiner, la maladie. Poussés par l'opinion publique, les ministres slovènes et croates de l'Agriculture se sont, eux aussi, mis à multiplier les déclarations dans la presse quant à la qualité irréprochable du bœuf en vente dans leur pays. Pourtant, devant le précédent allemand, on comprend aisément l'inquiétude d'une grande partie de la population dont s'est fait l'écho la presse à sensation, engendrant de ce fait une psychose tout à fait analogue à celle qui a touchée, par exemple, la France.

La vache folle aux frontières

En Slovénie, voisin et futur membre de l'Union européenne, la maladie est perçue par les observateurs les plus pessimistes comme s'approchant des frontières du pays, muée par une dynamique qui la pousserait de manière irréversible et mécanique vers le sud-est. Le tout est de savoir à quel moment celle-ci frappera… De fait et en dépit des propos rassurants des autorités vétérinaires et des syndicats d'éleveurs locaux, les ventes de bœuf n'ont cessé de chuter depuis le mois de novembre. La baisse s'est par ailleurs accélérée après la mort, en janvier dernier, d'un Autrichien atteint de la variante humaine de la maladie, fait alarmant si l'on prend en compte que l'Autriche et la Slovénie entretiennent de très étroites relations commerciales et que cette dernière importait, encore récemment, du bœuf autrichien. Depuis les faits, les réunions organisées par les différents acteurs concernés (ministères, instituts de recherche, éleveurs, vétérinaires, etc.) et les articles de presse consacrés au sujet de la vache folle ont connu une recrudescence notable - sans nul doute proportionnellement plus étendue que dans l'Hexagone -, le pays n'ayant pourtant enregistré aucun cas de la maladie.

Des mesures concrètes

Si l'absence de la maladie sur le sol slovène n'a pas empêché le pays de traverser une crise en tous points comparable à celles qu'ont connus ses voisins de l'Union, elle présente néanmoins un avantage non négligeable puisque, de manière paradoxale, elle a stimulé l'exportation de la viande bovine slovène, en particulier vers l'Italie. Afin de préserver le statut "d'oasis" du pays alpin (selon l'expression fréquemment utilisée par la presse locale), le gouvernement a pris une série de mesures préventives; quelques semaines seulement après son introduction dans l'Union européenne, la Slovénie a commencé à utiliser les tests Prionix, du nom du fabricant suisse, méthode permettant de détecter plus rapidement la présence de la maladie sur les vaches abattues et débouchant sur la commercialisation immédiate de la viande testée. Les tests concernent pour l'instant les animaux de plus de 30 mois mais cette limite pourrait être abaissée à 24 mois, ce qui serait un cas unique en Europe. L'unique producteur slovène de farines pour animaux, Koto, a été, quant à lui, en partie indemnisé et ses farines entreposées. Enfin, il faut souligner que la Slovénie interdit depuis 1996 l'importation du bœuf provenant de pays touchés par la maladie.

En Croatie, la psychose s'est manifestée avec quelques jours de retard. Elle a été déclenchée suite à la constatation de troubles neurologiques chez une vache d'un petit village croate. Les journalistes ont immédiatement vu dans ce cas isolé une manifestation de la maladie alors qu'il n'en était rien. Fin février, la Croatie a, elle aussi, introduit le test Prionix ; son statut internationalement reconnu de pays sans vache folle lui permet d'exporter son bœuf pendant que les ventes domestiques périclitent. Curieusement, seule la Bosnie-Herzégovine interdit l'importation de bœuf croate, ce qui pourrait être une tentative d'asseoir le monopole dont jouit l'entreprise Lijanovici de Siroki Brijeg : d'aucuns voient là une pression sur le gouvernement bosniaque ou un prétexte pour évincer la concurrence étrangère...

Si l'on replace les faits dans le contexte de l'Europe centrale et orientale, la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine sont cependant loin d'avoir connu un scandale comparable à celui qui a secoué la Roumanie en début d'année. De la viande de bœuf d'origine "suspecte", c'est-à-dire non testée ou potentiellement porteuse de la maladie, avait été importée d'Irlande et utilisée, entre autres, pour la préparation de repas dans les orphelinats. La psychose dans le pays y avait été d'autant plus forte. Si la psychose et les mesures visant à empêcher l'apparition de la maladie de la vache folle sont des réponses à une réelle inquiétude, elles peuvent aussi être interprétées, plus particulièrement dans le cas de la Slovénie, comme un souci d'identification à l'Union européenne. L'intégration est, pour les Slovènes plus que pour tout autre pays candidat de l'Europe centrale, un sujet d'actualité de premier plan depuis plusieurs années, les lois et les réglementations du pays n'ayant de cesse d'être harmonisées avec celles de l'Union. En somme, la crise a également montré que si la vache folle est aux portes de la Slovénie, la Slovénie, elle, est bien aux portes de l'Union…

 

Par David BEAUSOLEIL

Vignette : vache en Slovénie (photo libre de droit, attribution non requise)

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