Fin décembre, le célèbre politologue bulgare Daniel Smilov, interviewé par des journalistes de Deutsche Welle, a livré son analyse de l’année écoulée : en 2022, politiciens et analystes auraient contribué à dissimuler la vérité et la réalité des enjeux de la politique nationale et internationale aux citoyens bulgares.
Cette attitude aurait surtout été observée dans le traitement par les médias bulgares des informations portant sur l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Une partie des dirigeants et commentateurs politiques, de tradition russophile, ont réduit ce conflit à un simple affrontement entre « deux types de Russes ». Cette vision a été relayée par une partie des canaux d’information, ainsi que par d’autres intervenants pour qui les « tensions à l’Est » seraient la conséquence de l’influence grandissante de l’Occident (l’OTAN, les États-Unis et l’Union européenne) en Ukraine. D’autres experts ont également trouvé un écho en déclarant que non seulement l’Alliance atlantique forcerait le « pacifique Vladimir Poutine » à attaquer son voisin ukrainien, mais aussi que Washington viserait en réalité à affaiblir l’ensemble de l’Europe en la privant du précieux gaz russe. Enfin, pour d’autres commentateurs, eux aussi écoutés, les victimes ukrainiennes ne seraient pas si nombreuses et les images diffusées par les médias occidentaux ne sont que des mises en scène, dont il faut se méfier.
Daniel Smilov pointe directement la responsabilité de la télévision nationale dans le traitement des informations portant sur le conflit ukrainien : les actualités couvrent ce conflit en présentant les dernières déclarations du Président russe, avant de faire part dans un second temps des réactions nationales et occidentales découlant des communiqués et actions du Kremlin. Beaucoup de téléspectateurs sont ainsi davantage réceptifs à la propagande russe et ont le sentiment que Moscou n’est pas forcément l’agresseur.
Le politologue considère que la communication du président Rumen Radev et du Parti socialiste bulgare (BSP), peu critiquée par les médias, est très ambiguë et a contribué à cette vision sociétale du conflit : si ces derniers ont fini par reconnaître que la Russie est l’« agresseur » de l’Ukraine, ils continuent à s’opposer à la mise en place de sanctions contre Moscou et veulent continuer à maintenir des liens avec le Kremlin, notamment pour bénéficier du gaz russe.
Il ajoute que, lors des élections législatives de 2022, la coalition du GERB (centre-droit), du mouvement Droit et Liberté (DPS) et du BSP a dénoncé les risques de manipulation électorale liés à l’utilisation de machines à voter ; cette posture a conduit une large partie de la population à se méfier de ce procédé, alors qu’il était de nature à limiter le traditionnel phénomène d’achat des votes d’une partie de l’électorat des minorités nationales.
Le gouvernement Petkov n’a en outre cessé d’être la cible de son successeur, même s’il poursuit la même orientation politique. Pendant plusieurs mois, certains ont pu librement marteler dans les tabloïds qu’un désastre économique s’était abattu sur une Bulgarie désormais « en faillite » à cause de la politique menée par le gouvernement Petkov. Pourtant, le pays a achevé l’année avec une croissance économique de près de 4 % et le PIB le plus élevé de l’histoire (plus de 80 milliards de dollars).
Pour le politologue, si les informations diffusées à la population sont d’une aussi piètre qualité, c’est parce que « le journalisme bulgare a tout simplement cessé de s’intéresser à la vérité en 2022 ».
Sources : DW, Mediapool.