Arménie : une révolution est-elle en marche ?

Par Stéphan Altasserre (sources : REUTERS, France Arménie magazine, Nouvelles d’Arménie magazine, Armtimes.com)

Après avoir occupé les fonctions de président de la République d’Arménie pendant dix ans, Serge Sargsian (Parti républicain) ne pouvait plus prétendre à un mandat et, le 9 avril 2018, il a cédé sa place à Armen Sarkissian. Visiblement désireux de rester au pouvoir, il s’est toutefois entendu avec le Premier ministre Karen Karapetian, membre du même parti, afin de lui succéder dès le 17 avril suivant. Le 7 avril, l’annonce par la majorité d’une prochaine modification de la Constitution visant à permettre l’élection du Premier ministre par le Parlement a vite inquiété l’opinion publique arménienne, peu en phase avec les intentions de S.Sargsian.

Nikol Pachinian, journaliste pro-occidental (Haykakan Zhamanak) et député d’opposition (parti Contrat civil), reproche depuis longtemps à S.Sargsian son inaction face à la pauvreté et à la corruption endémique qui affecte le pays. Anticipant la manœuvre de l’ancien Président, il a entamé dès le 31 mars une médiatique «marche contre le troisième mandat de S.Sargsian» à travers le pays. Le 13 avril, arrivé à Erevan au terme de ce parcours, il y a organisé les premières manifestations avec le mouvement Merjir Serjin (Refuser Serge) et le Front pour l’État arménien. Le député-journaliste a rapidement pris l’ascendant sur les autres organisations protestataires et s’est hissé à la tête de la contestation. Le 22 avril, la médiatisation de son interpellation vigoureuse par les forces de l’ordre, puis la diffusion publique d’images le montrant légèrement blessé ont contribué à véhiculer son image de héros et de chantre de la contestation populaire. Dès le lendemain, sous la pression populaire, S.Sargsian a démissionné de ses fonctions.

Alors que le Premier ministre par intérim, K.Karapetian, a d’abord laissé entendre que l’élection d’un nouveau chef de gouvernement pourrait attendre le temps que la rue s’apaise, N.Pachinian, lui, a joué la montre: il a immédiatement menacé d’un possible blocage du pays s’il n’était pas élu Premier ministre lors de la session parlementaire convoquée le 1er mai. Malgré le ralliement de plusieurs partis politiques présents sur les bancs de l’Assemblée (Fédération révolutionnaire arménienne, alliance Yelk et Arménie Prospère), celle-ci a rejeté sa candidature. En quelques heures, à l’appel de N.Pachinian, plusieurs dizaines de milliers d’Arméniens ont convergé vers le centre-ville d’Erevan en signe de protestation, jusqu’à ce que, en fin de journée, le leader appelle ses partisans à se disperser: il venait d’obtenir le soutien des quatre groupes politique du Parlement en vue de l’élection du chef de gouvernement, le 8 mai prochain.