Bandajevskiï : « Quand Tchernobyl est condamné au silence »

Depuis la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril 1986, le professeur Bandajevskiï lutte en Biélorussie pour améliorer une situation sanitaire alarmante. Il ira jusqu'à proclamer publiquement la façon dont certains scientifiques et le Ministre de la Santé biélorusse ont détourné des fonds alloués aux études médicales sur les conséquences de Tchernobyl. Suite à ces dénonciations, il est arrêté et condamné à 8 ans de réclusion dans le cadre d’un décret "antiterroriste".


Bandjevskii au tribunalA lui seul, le sol de la Biélorussie a absorbé 70 % des retombées radioactives. Certaines particules comme le césium présentent un taux de radioactivité dangereux pour l’homme pendant plus de 30 ans. Un lien entre les maladies cardiovasculaires des enfants et la contamination radioactive par le césium 137 a été mis à jour par le Professeur Bandajevskiï. En absorbant des produits cultivés sur place, les 2 millions d’habitants de la zone contaminée en Biélorussie entretiennent et aggravent leur contamination. La Biélorussie doit faire face à une catastrophe dont elle n’est pas responsable mais les élites politiques locales pratiquent la politique de l’autruche et répriment les médias. Il est difficile de chiffrer les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl- les estimations oscillent entre des bilans qui les sous-estiment largement et d’autres, au contraire, très alarmistes-, et des éléments scientifiques nouveaux permettent de proposer des solutions concrètes.

Le professeur a proposé des actions à mettre en place de toute urgence pour améliorer la santé des enfants habitant les zones contaminées : il s’agit de mesurer la radioactivité des aliments, consommer de la pectine -sucre extrait de pomme qui accélère l’élimination du césium- et d’organiser, deux fois par an, des séjours dans des zones propres. Ces moyens simples amélioreraient l’état de santé général des habitants.

Le Professeur Bandajevskiï, prisonnier politique ?

En 1999, le Professeur Iouriï Bandajevskiï, ancien recteur de l’Institut de Médecine de Gomel est arrêté. Il aurait perçu des pots de vin de la part d’étudiants en échange de leur réussite. Un tel motif justifie-t-il la condamnation d’un chercheur scientifique à huit ans de prison ? D’autant que ces accusations ne coïncident pas avec sa réputation. Il semble plutôt que ses recherches dérangent le gouvernement et qu’il soit victime de manœuvres politiques. Après avoir passé trois ans et demi en prison, le professeur a vu sa peine transformée en relégation. Il occupe une izba dans un kolkhoze où il travaille à titre gratuit. Sources d’information filtrées, contacts avec sa famille limités, il n’est plus en mesure de continuer ses travaux et les rudes conditions de vie auxquelles il est soumis, détériorent son état de santé.

Le Comité Bandajevskiï 

Le Comité Bandajevskiï est né grâce à la mobilisation de plusieurs associations et du CRIIRAD qui ont souhaité soutenir le professeur et sa famille. Cette Commission de Recherche et d’Informations Indépendante sur la Radioactivité a été créée à Valence (France) en 1986, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl par un groupe de citoyens désireux de connaître les réelles répercussions de la catastrophe. Le but premier de cette mobilisation est de sauver et libérer le professeur. Comme tout chercheur scientifique, Iouriï Bandajevskiï doit pouvoir exercer ses travaux de recherche et publier ses résultats. Le soutien du CRIIRAD permet au comité de faire connaître l’affaire Bandajevskiï à l’étranger et de lui conférer un crédit scientifique. Les autres associations ont aidé à récolter des dons, à assurer un relais de l’information et un soutien psychologique à sa famille. Le professeur a été reconnu prisonnier d’opinion par Amnesty International. La libération du professeur en août 2005 est un événement inespéré.

Le partenariat CRIIRAD-Bandajevskiï, un projet d’avenir

Le projet « Bandajevskiï-CRIIRAD » consiste en l’installation à Minsk d’un laboratoire de recherches bio-médicales indépendant et transparent, permettant la poursuite des recherches du professeur sur les effets sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl et la diffusion de ses travaux. Ce partenariat s’effectue sous la forme d’une association internationale publique et est entièrement financé par des dons. A ce jour, le CRIIRAD a récolté 70 % de la somme nécessaire à l’ouverture du laboratoire. Le CRIIRAD s’efforce de travailler en collaboration avec des scientifiques locaux et en conformité avec la législation biélorusse. Il faut espérer que le professeur puisse exercer ses recherches dans des conditions convenables sans la pression des autorités locales et que ce projet puisse enfin voir le jour.

 

 

Par Dorothée TRUCHOT

Photo : Bandajevskiï - tirée de http://sciencescitoyennes.org/

Tous les travaux du professeur et les informations sur le projet sont consultables sur le site du CRIIRAD