Il y a plus de 20 ans, la Bosnie-Herzégovine est devenue le premier pays des Balkans occidentaux à dépénaliser la diffamation. En juillet 2001, l’Assemblée nationale de la République serbe de Bosnie (RS) a décidé que la diffamation ne serait plus un délit pénal et que les poursuites ne seraient plus possibles qu’au civil. Récemment, les nationalistes serbes ont cependant décidé de revenir à la législation antérieure, afin d’empêcher leurs opposants politiques et surtout les journalistes de contredire leurs décisions, en faisant peser sur eux une épée de Damoclès financière.
En effet, le 20 juillet 2023, des amendements au code pénal de la RS, déclarant que la diffamation est désormais un délit pénal passible d’amendes, ont été adoptés par l’Assemblée nationale, une chambre actuellement dominée par les nationalistes serbes. Ce vote a été organisé malgré plusieurs mois de protestation de la part de militants, de la communauté internationale et de journalistes.
La presse dénonce ces amendements comme liberticides, constituant à la fois une atteinte à la liberté d’expression et une forme de censure. Toutefois, le texte de loi final est moins pénalisant que ne le souhaitaient les nationalistes serbes. Faire des déclarations malveillantes ou mensongères sur une personne (diffamation) expose « seulement » l’auteur à des amendes d’un montant de 1 000 à 3 000 euros, alors que dans le projet de loi final, les amendes s’élevaient à 60 000 euros, une somme bien plus dissuasive qui pouvait effectivement inciter les journalistes à être très prudents dans les propos qu’ils tiennent à l’égard des dirigeants serbes.
Le 8 août, la Cour constitutionnelle de RS a rejeté la demande du Club bosniaque du Conseil des peuples de l’Assemblée nationale de la RS d’amender ce texte. Tout obstacle juridique étant écarté au niveau de l’entité, le 18 août le président de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik a signé le décret portant promulgation de ces amendements. Ainsi, pour le député Nebojša Vukanović (Liste pour la Justice et l’Ordre), ancien journaliste, « la chasse est lancée pour tous les dissidents du régime au pouvoir en RS ».
Pour rappel, depuis plusieurs années, cette profession est la cible du discours politique de M. Dodik. Cet habile politicien est une figure du nationalisme populiste serbe connu pour être proche à la fois de Belgrade et du Kremlin.
Sources : Slobodna Bosna, Radio Slobodna Evropa, VOA.