Le Département du Trésor des États-Unis d’Amérique a annoncé le 2 juin 2021 que six ressortissants bulgares et près d’une soixantaine d’entreprises dont les actifs appartenaient majoritairement aux intéressés étaient l’objet de sanctions exceptionnelles en vertu du Magnitski Act (du nom de l’avocat fiscaliste russe Sergueï Magnitski, chantre de la lutte contre la corruption du système politique russe). Cette loi prévoit entre autres d’appliquer des mesures de rétorsion à l’encontre des personnes suspectées d’être impliquées dans des affaires de corruption d’ampleur internationale. Les individus et entités ciblés par le gouvernement américain sont l’objet de sanctions d’ordre financier (gel et confiscation des avoirs, interdiction pour les entreprises américaines de commercer avec eux) et d’une interdiction du droit d’entrée sur le territoire américain. Cette dernière mesure s’applique également aux proches des six Bulgares désignés. Selon le Département d’État, il s’agirait des sanctions les plus importantes prises dans le cadre de cette législation.
Ces sanctions visent deux hommes d’affaires bulgares et quatre hauts fonctionnaires, tous soupçonnés d’être à l’origine d’une « corruption à grande échelle », c’est-à-dire non seulement en Bulgarie, mais également au niveau international. Les plus connus sont deux « grands joueurs », sobriquet qui désigne les « nouveaux riches » actuellement influents auprès d’une partie de la classe politique. Il s’agit de Delyan Peevski (ancien député du Mouvement pour les Droits et Libertés de 2009 à 2021) et Vasil Bojkov (ancien magnat des jeux de hasard ayant récemment fui à Dubaï pour échapper à des poursuites judiciaires). Quatre hauts fonctionnaires sont également l’objet de ces sanctions : Ilko Jelyazkov (un des principaux responsables du Bureau national de contrôle des dispositifs spéciaux de collecte de renseignements, soupçonné d’être le complice de D. Peevski), mais aussi Alexander Manolev (ancien vice-ministre de l’Économie), Petar Haralampiev (ancien président de l’Agence d’État des Bulgares à l’étranger) et Krassimir Tomov (secrétaire de ce dernier).
Ces mesures d’ampleur ne sont pas surprenantes : l’organisme de surveillance de Transparency International a déclaré à plusieurs reprises que la Bulgarie était le pays le plus corrompu de l’UE. Mais certains observateurs soupçonnent en outre que ces mesures pourraient être l’une des conséquences du mouvement anti-corruption observé en Bulgarie depuis juillet 2020 et dont le cri de ralliement est « Moutri Veun » (les moutri, dehors !, le terme moutri désignant les membres de la criminalité organisée postsocialiste). En s’attaquant ainsi à des oligarques sulfureux, Washington reprend son rôle de protecteur des démocraties amies et s’assure de la fidélité de la Bulgarie à l’Alliance atlantique.
Sources : Site du Trésor Kapital, DW, AP News, Nova.