Estonie : la Lituanie a-t-elle raison de s’attaquer simultanément à la Russie et à la Chine?

Pour le président de la Commission des affaires étrangères du Parlement estonien Marko Mihkelson (parti de la Réforme), la Lituanie, qui se démarque de ses voisins de la Baltique par son engagement résolu en matière de politique étrangère, fait une erreur : pour le député estonien, un petit pays ne devrait pas ouvrir de front qu’il ne saurait être sûr de gagner.

Ainsi, la Lituanie devrait faire preuve de sagesse en ne s’attaquant pas simultanément à plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Le combat contre la Chine, en particulier, serait perdu d’avance.

Si M. Mihkelson ne remet pas en cause le choix avisé de Vilnius quand il s’est agi d’accueillir la leader de l’opposition bélarusse S. Tsikhanouskaia, cela ne signifie pas que l’Estonie est reste inactive même si cela n’a pas fait la une des journaux.

Mais un pays doit calibrer son activité sur la scène internationale, afin de ne pas prendre le risque de se trouver privé d’alliés dans un combat inégal. Et le député de prôner une « diplomatie intelligente » afin de défendre ses intérêts, ses alliés et ses valeurs. Il ne s’agit pas, précise M. Mihkelson, de faire des compromis sur ces dernières, comme avec la Hongrie ou la Pologne. Mais de ne pas céder aux sirènes des cycles électoraux, ce que ses collègues lituaniens, selon lui, feraient trop souvent.

La décision d’ouvrir une représentation commerciale et culturelle de Taïwan à Vilnius serait ainsi une erreur, signifiant le passage d’une ligne rouge pour la Chine, très attentive à son intégrité territoriale. Malgré les menaces de Pékin, le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Lnadsbergis a récemment déclaré que Vilnius maintenait sa décision.

Pour M. Mihkelson, si l’Estonie se doit d’être solidaire avec son voisin victime d’un blocus économique sérieux, et si chaque pays a le droit souverain de faire ses propres choix, les conséquences de ces choix peuvent concerner également la sécurité d’autres pays, dont l’Estonie. Il ne s’agit pas de transiger mais de tenir compte des flux commerciaux entre la Chine et les pays de la région. Pour être efficace face au géant chinois, mieux vaut dès lors s’allier avec des partenaires européens.

Marko Mihkelson verrait d’un bon œil le retrait de l’Estonie du format 16+1 (suivant ainsi l’exemple récent de la Lituanie) mais, pour le reste, estime qu’une approche groupée et pragmatique aurait sa préférence.

Concernant la Russie, le député se dit favorable à une approche désescalatoire et ne s’oppose pas au dialogue, même s’il doit se heurter à l’approche confrontationnelle de Moscou (et de rappeler la visite humiliante de Josep Borrell en Russie en février 2021). Là encore, l’unité des pays occidentaux est essentielle, seule garante d’une dissuasion crédible. Il s’agit en l’occurrence de soutenir l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie dans leur démarche démocratique en parlant simultanément avec une Russie de plus en plus autoritaire sans en attendre de miracle immédiat.

Mais l’urgence aujourd’hui serait du côté d’une Chine avec laquelle les tensions ne cessent de croître.

Sources : Postimees, Foreign Policy, The Baltic Times.