Jugement sur la fin de l’URSS, maintien du système Poutine: une affaire de génération

67 % des Russes ne considèrent pas Mikhaïl Gorbatchev comme une « personnalité politique éminente du XXe siècle », indique une enquête que l'Institut de l'opinion publique FOM a réalisée à l’occasion de son 90ème anniversaire. 15 % seulement des sondés ont une image positive du dernier dirigeant soviétique, sentiment plus répandu dans les générations nées depuis l’éclatement de l'URSS (il obtient en effet un meilleur résultat – 23 % d’appréciations positives – chez les jeunes de 18-30 ans). 61 % des Russes interrogés jugent négativement son rôle dans l’histoire de la Russie, ce pourcentage étant nettement plus faible (33 %) chez les jeunes de 18-30 ans. Une deuxième enquête, effectuée par un autre institut également proche du pouvoir, le Vtsiom, donne des résultats assez voisins. Les quelques acquis positifs qui sont reconnus à M. Gorbatchev sont la liberté d'expression (9 %) et la Perestroïka (4 %). Le pourcentage de ceux qui le considèrent comme un « criminel » est toutefois en baisse (22 % contre 26 % en 2019). Dans ces deux enquêtes, c’est la disparition de l'URSS (35 – 36 %) qui est principalement mise au passif de M. Gorbatchev et qui justifie cette appréciation critique.

L'absence de relève des générations fait peser sur le régime Poutine une menace aussi existentielle que celle qui a emporté le système soviétique, analyse le sociologue Mikhaïl Anipkine. La situation présente en Russie rappelle la « stagnation », caractéristique de l'époque brejnévienne à partir des années 1970. Les baby-boomers nés dans les années 1950 – V. Poutine (1952), N. Patrouchev, A. Bortnikov (1951), S. Choïgou (1955), A. Bastrykine (1953), S. Lavrov (1950) – détiennent toujours les leviers essentiels du pouvoir. Une loi en préparation doit d’ailleurs permettre aux principaux responsables de l'État de conserver leur poste sans limite d'âge. Le processus de renouvellement qui concerne les gouverneurs n'est pas significatif, explique le sociologue car, à la différence des secrétaires d'Obkom de l'époque soviétique, ils n'ont pas de véritable poids politique. Pour justifier son maintien au pouvoir, ce groupe, issu de la génération parvenue à l'âge adulte pendant les années de stagnation brejnévienne, ne s'encombre pas d'idéologie, souligne M. Anipkine ; il se contente de mettre en avant le patriotisme et des « valeurs traditionnelles » au contenu incertain. Les conclusions du sondage du FOM montrent aussi que le spectre des années 1990, souvent agité par le Kremlin comme un épouvantail pour justifier la « stabilité » et le refus des réformes, est sans doute un argument moins efficace auprès des jeunes générations.