Kirghizstan : la fin de l’exclusivité patronymique

Depuis quelques années, une femme se bat au Kirghizstan pour faire changer la loi et obtenir l’usage des matronymes, en lieu et place des habituels patronymes. Même si la tradition patronymique est importée de Russie, elle est jugée par nombre de Kirghizes comme relevant de la coutume nationale.

Or, le 30 juin 2023, la Cour constitutionnelle kirghize a autorisé les citoyens à adopter le nom de leur mère pour former un matronyme. Depuis décembre2020, Altyn Kapalova, activiste féministe, directrice d’un musée à Bichkek et mère isolée, se bat pour que ses trois enfants voient inscrire sur leurs certificats de naissance Altynova ou Altynitch en deuxième nom, plutôt que le prénom de leur père. Ils pourront le faire, mais seulement lors de leur majorité. Jusque-là, les enfants pouvaient, à 16 ans, adopter s’ils le souhaitaient le nom de leur beau-père ou de leur grand-père mais pas celui de leur mère.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle justifie cette décision par le fait que la Cour admet que le système qui prévalait jusqu’alors violait le principe d’égalité des sexes. Elle y remédie donc partiellement, invoquant la sécurité des enfants pour expliquer sa décision de reporter à leur majorité la possibilité d’une modification : « Dans une société traditionnelle, le fait pour un enfant d’avoir un matronyme peut entraîner diverses formes de stigmatisation et d’intimidation », note la Cour.

Pour Altyn Kapalova, cet arrêt sonne toutefois comme une victoire, après une lutte radicale contre l’opposition réunie du Bureau du Président, du ministère de la Justice et du service d’enregistrement de l’État. Depuis des mois, elle a reçu des menaces de mort et des invitations à quitter le pays. Le plus haut dignitaire religieux islamique du Kirghizstan, Zamir Rakiyev, s’est élevé contre cette réforme dans laquelle il voit une contradiction par rapport aux traditions religieuses et nationales, s’égarant dans des remarques inopportunes sur les risques d’inceste. Il a noté que le patronyme était un marqueur important pour établir la filiation avec le père, alors que celle avec la mère est évidente. Ce à quoi A. Kapalova a rétorqué que, puisque les pères de ses enfants n’avaient jamais donné une minute de leur temps ou un centime de leur patrimoine, elle ne voyait pas pourquoi les enfants devraient être affublés de leurs patronymes.

Sources : Eurasianet.org, RFE/RL, page FB d'Altyn Kapalova.