Par Céline Bayou (sources : Delfi.lv, LETA, Mixnews.lv, Baltic Course, Baltic Times, Gorod.lv)
Le 4 août 2015 doit se dérouler à Riga en fin de journée une manifestation devant le siège du gouvernement afin de protester contre l’accueil de réfugiés dans le pays. Cette manifestation est initiée par l’organisation Défenseur de la patrie en coopération avec l’union Justice et, notamment, la coalition nationaliste Tout pour la Lettonie-TB/LNNK. L’argument utilisé par les organisateurs fait référence à l’occupation soviétique. Raivis Dzintars, co-leader de l’Alliance nationale, député au Parlement et membre de Tout pour la Lettonie, affirme que, durant cette période, des «centaines de milliers» de migrants sont venus, en provenance des autres républiques, s’installer en Lettonie de façon à ce que, «jusqu’à aujourd’hui, la part de la nation titulaire ne représente que 62% de la population du pays». Or, selon lui, le constat de la difficile intégration de ces migrants soviétiques laisse peu d’espoir de voir s’intégrer avec plus de bonheur des migrants dotés de différences ethniques, culturelles et linguistiques encore plus grandes.
Les partis nationalistes ne sont pas les seuls à exprimer leurs réticences face à l’afflux possible de réfugiés en provenance essentiellement d’Afrique et du Moyen-Orient. Les responsables des villes de Riga, Rezekne et Kuldiga, par exemple, ont d’ores et déjà fait part de leur incapacité à accueillir qui que ce soit. Le maire de Riga, Nils Ušakovs (Centre de l’harmonie), a déclaré que la mairie ne dispose d’aucun bâtiment pour loger même provisoirement des réfugiés mais qu’en revanche, le gouvernement dispose peut-être d’installations. Le maire de Rezekne (Centre de l’harmonie), découragé, a argué de la longue liste d’attente pour l’octroi de logements dans sa ville. Et noté que les réfugiés viennent de régions dans lesquelles ont éclaté des conflits impliquant certains pays membres de l’Union européenne, comme l’Italie, la France ou le Royaume-Uni. Dès lors, estime-t-il, ce sont à ces États de se charger de l’accueil des populations. La question ne relève pas, selon lui, de la solidarité mais bien de la responsabilité. Or la Lettonie a déjà fort à faire avec l’intégration de ses propres résidents sans se charger de problèmes dont elle n’a aucunement la responsabilité.
Ces réticences à accueillir des réfugiés choquent certains dans le pays, qui rappellent qu’en leur temps environ 250.000 Lettons ont eux-mêmes obtenu le statut de réfugiés après la fin de la Seconde guerre mondiale et le début de la seconde occupation soviétique. Voire que la Lettonie se vide depuis des années: en 2014 seulement, la population a chuté de 15.400 personnes, sur un total de 2 millions. L’ancienne Président Vaira Viķe-Freiberga évoque, quant à elle, une crise à laquelle le pays se doit de répondre pour des raisons humanitaires mais aussi d’image: en refusant d’accueillir un nombre même symbolique de réfugiés, la Lettonie signerait son propre «certificat de pauvreté», dont morale.
Selon le Bureau de la citoyenneté et des migrations, depuis 1998 le nombre de personnes ayant demandé l’asile en Lettonie s’élève à 1.592, dont 65 ont obtenu le statut de réfugiés et 137 un statut «alternatif». Au total, 5 personnes ont obtenu la citoyenneté lettone. Au terme du scénario de répartition de quotas envisagé jusqu’en juin 2015 par l’UE, la Lettonie avait envisagé d’accueillir 250 réfugiés.