Par Céline Bayou (sources : The Baltic Course, The Baltic Times, Baltnews, Mixnews, Gorod.lv, radio Baltkom)
Le 13 janvier, un peu plus d’un mois après la démission de la Première ministre Laimdota Straujuma (parti Unité), le Président letton Raimonds Vējonis a nommé un nouveau chef du gouvernement qui, cette fois, a accepté la fonction: Māris Kučinskis (Union des verts et des paysans, président de la Commission pour le développement durable au Parlement) ne fait pas l’unanimité, loin de là, mais il a d’emblée annoncé son intention, si sa candidature est approuvée par le Parlement, de former un gouvernement soudé qui travaillerait comme une équipe unie, pour le bien du pays.
Lorsque L.Straujuma a annoncé sa démission, le 7 décembre 2015, tout le monde savait qu’elle le faisait sous la pression notamment de la leader de son propre parti, Unité. En effet, Solvita Āboltiņa visait le poste mais n’a pas réussi à obtenir le chorus dans son propre camp. Compte tenu de son score aux dernières élections législatives, on s’attendait à ce que Unité nomme le prochain Premier ministre. Le Président aurait d’ailleurs jugé cela logique afin que les trois partis de la coalition se répartissent les postes importants : Unité à la tête du gouvernement, l’Union des verts et des paysans à la tête de l’Etat et l’Alliance nationale à la tête du Parlement.
Depuis le 7 décembre, le chef de l’État a donc dû multiplier les consultations pour tenter de trouver un remplaçant à L.Straujuma. Et il s’est heurté soit aux oppositions des autres partis de la coalition, soit au refus du candidat présumé. M. Kučinskis pourrait se trouver devant une tâche délicate: former un gouvernement de coalition avec à la fois son propre parti, avec l’Alliance nationale –qui se dit prête à coopérer– et avec Unité, peu disposé à entériner la candidature d’une personnalité qui ne sort pas de ses rangs. Après l’échec de la candidature de S.Āboltiņa, le nom de Kārlis Šadurskis (président de la Commission du budget et des finances au Parlement) a semblé un moment plus consensuel. Mais sans résultat. Le Président Vējonis a mené durant un mois diverses discussions avec d’autres candidats potentiels issus de Unité: le ministre des Finances Jānis Reirs, le maire de Valmiera Jānis Baiks, celui de Cēsis Jānis Rozenbergs. Après leur audition, ils ont refusé l’offre.
Or S.Āboltiņa a d’ores et déjà annoncé qu’Unité pourrait refuser de soutenir la candidature d’un membre de l’Union des verts et des paysans. Quitte, donc, à se positionner dans l’opposition du fait, a-t-elle affirmé de «relations humiliantes». Une telle éventualité serait tellement dommageable pour Unité qu’elle en semble peu probable. S. Āboltiņa n’en a pas moins tenu à marquer ses distances après l’entrée en matière quelque peu triomphaliste selon elle du futur Premier ministre et de ses acolytes. La sortie d’Unité de la coalition rebattrait toutes les cartes (le Président aurait d’ailleurs évoqué la possibilité de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles législatives) mais le prétendant au poste de Premier ministre a écarté l’éventualité de se tourner vers le parti russophone Centre de l’harmonie pour le faire entrer dans la coalition (malgré son très bon score lors des dernières élections législatives): pour M.Kučinskis, ce parti aurait peut-être sa place dans la coalition… s’il ne s’était rien passé depuis deux ans en Ukraine. En effet, la posture ambiguë du Centre de l’harmonie concernant ses relations avec Moscou rend sa participation rédhibitoire.
Né en 1961, M.Kučinskis est diplômé du département d’économie de l’université de Riga. Il a été élu au Conseil municipal de Valmiera en 1994, avant d’en devenir maire adjoint en juin 1996 puis maire en juillet 1996. Il est devenu député en 2002 et a été nommé ministre du Développement régional et des gouvernements locaux en 2004. Il a été député des 11e (2011) et 12e (2014) Saeima en tant que membre de l’Union des verts et des paysans cette fois. Personnalité réputée sans grand charisme, le potentiel Premier ministre suscite des inquiétudes dans le pays: d’une part parce que la Lettonie, disent-certains, aurait besoin d’une orientation forte et que l’on craint une absence de vision de la part de M.Kučinskis. D’autre part, parce qu’il a été proche de certains oligarques bien connus dans le pays et qu’il semble avoir politiquement navigué dans divers cercles. Une polémique a par ailleurs enflé autour d’un soupçon largement repris par l’Union russe de Lettonie: M.Kučinskis aurait négocié sa candidature avec l’Alliance nationale en s’engageant à supprimer l’enseignement en russe pratiqué dans les écoles russophones (publiques) du pays… Engagement publiquement démenti par le prétendant qui a clairement déclaré que ce point, qui figure au programme de l’Alliance nationale à horizon 2018, ne recueille pas son assentiment: il a dit estimer que le passage des écoles des minorités à un enseignement majoritairement –voire totalement– en letton doit se faire de manière progressive et non pas à coup de lois et de décisions politiques.