Lituanie : prier les médias d’annoncer des nouvelles positives

Par Céline Bayou (sources : Delfi.lt, BNS)

Trois membres de la coalition gouvernementale au pouvoir en Lituanie, tous issus de l’Union des paysans et des verts, ont déposé un projet de loi prévoyant de forcer les médias à assurer que la moitié au moins des nouvelles diffusées soient des informations «positives».

La démarche a suscité une telle vague de critiques et d’accusations de censure que Dovilė Šakalienė, représentante du Parti au Parlement et l’une des initiatrices de cette proposition, a dû se résoudre à retirer l’amendement, en commentant, sur sa page Facebook: «Il n’y aura aucun amendement. Le Cheval de Troie est démonté

Le projet consistait à imposer, outre une moitié d’informations souriantes, que celles-ci soient placées en une des journaux et en début d’émission de radio et de télévision. Les trois députés estiment en effet que les médias lituaniens se préoccupent trop d’affaires de corruption, de conflits d’intérêts ou d’autres problèmes. Pour eux, cette dominante négative sur les canaux de communication politique a un effet néfaste sur la population, qui dit ne plus avoir confiance dans les institutions du pays et préfère se tenir à l’écart de la politique. Les Lituaniens se déclarent en outre peu confiants dans les médias et dans les informations qu’ils diffusent.

Le président de l’Union des journalistes de Lituanie, Dainius Radzevičius, après avoir ri de cette initiative, l’a ensuite qualifiée de «théâtre de l’absurde». Avant de rappeler que la question relève de la Constitution et non d’un simple amendement. Même le Premier ministre, Saulius Skvernelis, s’est étonné de cette suggestion et a rappelé que personne, pas même les politiques, n’est habilité à réguler le contenu des médias, déjà soumis à un code d’éthique.

La politiste Rima Urbonaitė a saisi l’occasion pour lancer un débat sur la question de la liberté d’information. Elle a souligné qu’avec un tel règlement, elle ne voyait pas trop comment présenter l’information. Devrait-on évoquer un acte terroriste épouvantable comme on présenterait un concours de dessins d’enfants? Et de s’étonner que de telles idées puissent venir à certains, qui reviennent de fait à contrôler les médias et à leur lier les mains. Cela pourrait, selon elle, rappeler le comportement des médias en Russie, qui n’annoncent aucune mauvaise nouvelle ou, quand ils le font, la transforment en bonne nouvelle puisque Vladimir Poutine a déjà résolu le problème.