Le paysage audiovisuel polonais est composé d'environ 70 chaînes, dont seules trois - TVP1 et TVP2 pour le public et Polsat 1 pour le privé - couvrent le territoire polonais. Elles touchent ainsi plus de 2/3 de la population polonaise et recueillent 82,8 % de l'audience.
Même si le poids du secteur public est dominant, la présence d'une télévision polonaise privée et indépendante progresse d'année en année. La loi sur la radiodiffusion du 29 décembre 1992 abolit le monopole d'État, instaure un système audiovisuel double et met en place un organe de contrôle, le Conseil national de la Radio et de la Télévision (KRRiT). Les neuf membres indépendants - nommés par le Parlement polonais (4), le Sénat (2) et le Président (3) - sont garants de la liberté d'expression; ils élaborent des réglementations concernant l'audiovisuel et délivrent les licences. Le KRRiT est la seule autorité en matière audiovisuelle jusqu'en septembre 2003, où un nouveau département du film et de l'audiovisuel est créé au sein du Ministère de la Culture.
Un marché audiovisuel dynamique et diversifié
Entre 2000 et 2003, la loi audiovisuelle polonaise a dû aussi se conformer aux standards européens et adopter la directive européenne " Télévision sans frontières " (TVSF). Cette directive vise la création d'un marché commun de la radiodiffusion télévisuelle avec une libre circulation des services audiovisuels et le développement de l'industrie européenne des programmes dans les États membres. Elle impose aux chaînes nationales dans l'Union européenne un quota pour des œuvres européennes. En outre, la Pologne participe à des programmes européens de coopération culturelle comme Media et Eurimages.
De plus, la limitation des capitaux étrangers dans les médias audiovisuels polonais est portée de 33 % à 49 % par un projet d'amendement à la loi audiovisuelle approuvé le 20 octobre 2003 par le gouvernement polonais en conseil des ministres. Néanmoins, la société doit avoir son siège en Pologne et la majorité du Directoire ou Conseil d'administration doit être polonaise.
Corruption et l'affaire Rywin
Cependant, les instances politiques ont été secouées par des affaires de corruption. En 2002, un scandale politico-médiatique éclate au grand jour, impliquant le rédacteur en chef de Gazeta Zwyborcza, Adam Michniz (Groupe Agora) et le KRRiT. En échange de 17,5 millions de dollars, le producteur de cinéma Lew Rywin aurait proposé à A. Michniz d'amender la loi sur l'audiovisuel afin de permettre à Agora d'acquérir la chaîne privée POLSAT. Un projet d'amendement de la loi sur l'audiovisuel en cours d'élaboration visait à limiter la concentration du capital dans les médias. Suite à l'affaire Rywin, le président du KRRiT, Juliusz Jan Braun démissionne de ses fonctions et laisse sa place à Danuta Waniek le 26 mars 2003. Aujourd'hui, la législation sur la concentration de plusieurs médias de masse sous une seule tutelle reste encore dans le flou.
La religion
Le code pénal et la loi audiovisuelle imposent aux médias polonais un " respect des valeurs chrétiennes ". Ils ne doivent prendre fait et cause dans des questions nationales, ethniques, raciales, ou religieuses ainsi que faire offense à tout sentiment religieux.
Le devoir " religieux " des médias polonais a été fortement critiqué et il est considéré comme une censure préalable. En Pologne, l'atteinte au sentiment religieux est jugeable sous peine d'emprisonnement de deux ans ou d'une amende, et aujourd'hui quelques journalistes polonais attendent leur procès pour diffamation. En bref, la religion catholique et le pape restent encore des sujets sensibles dans les médias.
Le développement de la télévision privée
La création de la télévision publique est accompagnée d'un développement rapide de la télévision privée en Europe centrale et orientale. La première chaîne privée gratuite en Pologne, POLSAT, est lancée en 1992, et depuis, le privé ne cesse de s'accroître, mais sans pour autant faire de l'ombre au secteur public.
Les principaux acteurs dans le paysage audiovisuel polonais sont dans le secteur public Telewizja Polska (TVP) et dans le privé ITI (TVN, TVN7) et POLSAT. La télévision payante a fait également son entrée dans le marché audiovisuel polonais, représentée par Canal+ Group, UPC Polska et ASTER CITY CABLE.
Or, en Pologne, la télévision publique a su garder sa primauté dans le paysage audiovisuel, à la différence d'autres pays d'Europe de l'Est. Les deux chaînes publiques nationales, TVP1 et TVP2, recueillent à elles-seules 46% de l'audience, contre 18% pour Polsat 1 et 14% pour TVN.
Une télévision publique affirmée
Afin de soustraire le secteur audiovisuel public de toute influence politique, l'idée naît de le mettre entre les mains d'universitaires, assurant ainsi son rôle premier: promouvoir la création d'une opinion publique libre, en exprimant des vues et des orientations diverses. Or, le projet est abandonné et l'audiovisuel public se trouve sous la tutelle du KRRiTV. Celui-ci désigne les membres des organes de supervision et des comités des programmes.
TVP est composée de deux chaînes nationales (TVP1 et 2), d'une chaîne internationale satellite TV Polonia et de douze chaînes régionales. De plus, deux chaînes spécialisées, l'une pour la culture (TVP 4) et l'autre pour les enfants (TVP 5), sont prévues. Traditionnellement, la chaîne publique a surtout diffusé de la fiction, mais accorde depuis deux ans plus de temps d'antenne aux programmes de divertissement et de sport, sans pourtant nuire à la qualité de la chaîne. TVP a été primé en avril 2003 " meilleure chaîne de télévision publique en Europe de l'année 2002 ". Cette récompense a été attribuée la première fois par le Comité télévisuel et du Département de la télévisin de l'Union européenne des Émetteurs (EBU). En outre, TVP a signé en 2001 un contrat d'association avec la chaîne franco-allemande ARTE.
La loi audiovisuelle attribue au secteur public un certain nombre d'avantages concurrentiels et lui permet de maintenir ainsi une position dominante à la fois sur l'audience et sur le marché publicitaire. Fortement critiqué par le privé, TVP se base sur un financement mixte, la redevance et les recettes publicitaires. Seule différence par rapport au privé, les chaînes publiques ne peuvent interrompre leur programme par de la publicité. En outre, TVP a le monopole sur les archives audiovisuelles polonaises. Un nouveau projet de loi prévoit cependant de réduire ces avantages.
Le privé : de la gratuité vers le payant ?
Les deux chaînes commerciales en concurrence sont POLSAT et TVN du Groupe ITI (TVN7, TVN). On constate cependant une baisse dans l'audience de TVN. Bien que POLSAT et TVN doivent réserver au moins une heure par mois à une pièce de théâtre, un opéra ou un ballet polonais, ces deux chaînes visent le grand public. Ils diffusent surtout des séries anglo-saxonnes et adaptent des formats étrangers, tels que " Qui veut gagner des millions " (TVN) ou " La nouvelle star " (POLSAT). Tandis que les émissions de divertissement sont très importantes sur TVN, POLSAT touche surtout un public jeune en misant sur la musique.
Aujourd'hui, les chaînes privées tendent vers le cryptage. La plupart des programmes sur TVN et TVN 7 est déjà cryptée et on peut supposer que POLSAT va aussi devenir payant. Mais quel avenir pour la télévision payante dans une Pologne où la classe moyenne est encore occupée de subvenir à ses besoins primaires ?
Polonaise, européenne ou anglo-saxonne ?
Polonaise ? Par défaut. Des affaires de corruption mettent à mal le service audiovisuel public, le KRRiT est discrédité et des journalistes de TVP dénoncent un déficit de liberté d'expression et d'opinion[1]. En outre, auprès des téléspectateurs, il perd en crédibilité, ce qu'a révélé une enquête réalisée par le TNS OBOP en septembre 2003. Alors que la confiance que les Polonais ont dans la télévision publique serait en déclin (73 % en 2002 contre 65 % en 2003) - celle dans les chaînes privées est en augmentation (62 % en 2002 contre 68 % en 2003).
Européenne ? Par la volonté. Mais rien que le terme " d'œuvre européenne " reste encore flou et les États d'Europe de l'Est ne disposent pas des moyens financiers suffisants, ni pour l'achat de programmes de divertissements européens, ni pour leur propre production. Or, tant que cette télévision " polonaise " et " européenne " ne se (ré)affirment de nouveau, les chaînes privées continueront à reproduire des formats anglo-saxons - comme toutes les autres chaînes privées en Europe d'ailleurs - et ne se distingueront finalement d'eux plus que par la langue.
Par Judith LAUB
Vignette : TV polonaise (photo libre de droits, attribution non requise).
[1] Avec la série populaire " A comme Amour ", TVP a par exemple tenté à faire disparaître les craintes face à l'adhésion à l'UE et d'une possible " invasion " des Allemands qui en découlerait.