Région du KOUZBASS (1991-2001), 10 ans après la fin de la révolte des mineurs de SIBERIE…

Aujourd'hui, les régions minières de Russie connaissent d'importants problèmes dans le développement technique et matériel des mines, notamment dans le Kouzbass en Sibérie, la région minière la plus riche du pays.


Si les mineurs français, polonais et ukrainiens ont déjà dépassé une profondeur d'extraction de plus d'un kilomètre, leurs confrères sibériens n'ont atteint que 500 mètres. Un retard qui prend ses racines dans l'histoire même de la région. En effet, contrairement aux Français qui découvrirent les gisements charbonniers du Nord-Pas-de-Calais en 1720 et qui les exploitèrent la même année, les Russes ne commencèrent qu'à la fin du 19e siècle l'extraction des filons du Kouzbass découverts en 1721.

Dans le contexte d'appauvrissement général des filons européens, les mines du Kouzbass présentent un réel potentiel qualitatif et quantitatif de matière première. Les couches de charbon y atteignent parfois 30 mètres de largeur. Le charbon de cette région représente 59 % des réserves nationales.

Les techniques d'extraction, devenues aujourd'hui archaïques dans de nombreux puits de mines, provoquent de plus en plus d'accidents sous terre. Les infrastructures n'ont pas été modernisées depuis les années 60-70, contrairement aux autres pays européens. Adoptant une politique énergétique différente, les autorités ont favorisé l'essor du pétrole puis de l'énergie nucléaire. Une conséquence désastreuse. Le nombre de victimes d'accidents au fond des mines ne fait qu'augmenter. Chaque million de tonnes de charbon coûterait ainsi la vie de 3 à 4 mineurs dans le Kouzbass, contre une moyenne d'un mineur sur le territoire russe.

La célèbre mine Raspadskaya à Mejdouretchensk devrait échapper à la règle puisqu'il s'agit d'une mine moderne et rentable où les mineurs sont bien payés. Le matériel utilisé provient des Etats-unis, d'Allemagne, et d'Angleterre. Des délégations étrangères en provenance de ces trois pays se rendent régulièrement sur les lieux pour évaluer les améliorations. Néanmoins, le 30 mars 2001, une explosion mortelle coûtait la vie à quatre mineurs. Pour la première fois depuis vingt ans, l'exploitation fut totalement arrêtée.

Depuis 1991, les faibles crédits ne suffisent plus à augmenter la production et encore moins à rénover les infrastructures vieillissantes. C'est dans ce climat d'insécurité que travaillent aujourd'hui les mineurs de Sibérie centrale.

Faisant suite à la dégradation des mines, un plan de restructuration fut mis en place dès 1991-1992 provoquant la fermeture de 34 mines. Les autres sont aujourd'hui abandonnées ou presque détruites. A quelques exceptions près, puisque certaines mines de charbon à coke se sont remises de leur faillite.

La grande grève des mineurs en 1989-1991 laissait derrière elle un taux de chômage important dans la région. Dans la ville d'Andjero-Sudjensk, où les mines ont presque toutes été privatisées, les cités minières sont dans un état épouvantable. Les maisons en bois, devant lesquelles s'amassent d'innombrables tas d'ordures, tombent en ruine. Des petits comités réunis clandestinement luttent encore contre la fermeture des dernières fabriques de charbon et surtout contre la privatisation de toute l'économie contrôlée par la mafia. En 1999, un syndicaliste qui travaillait alors pour le comité d'Alexander Vorobiov, surveillé par la milice et menacé à plusieurs reprises de représailles, a retrouvé sa fille assassinée, la tête tranchée dans un sac.

Aux élections régionales du 22 avril 2001, Aman Touleev a été réélu au poste de gouverneur. Il continue depuis à régner en monarque absolu sur la région, contrôlant aussi bien les médias, les administrations, les syndicats, que la milice locale. De plus, il tend à se détacher du pouvoir central de Moscou afin de prendre des initiatives personnelles. Un de ses fervents opposants, Alexander Vorobiov, soutient les mineurs et autres catégories socio-professionnelles qui vivent sans ressources. Il poursuit en justice les sociétés nouvellement privatisées et plaide en faveur des gens démunis afin qu'ils retrouvent une dignité et un certain confort matériel. Le comité de Vorobiov permet ainsi à des personnes de survivre. Mais la marge de manœuvre de Vorobiov est limitée. Il est constamment surveillé par la milice et le FSB, et ne peut lui même accéder à aucun emploi.

Les mineurs doivent aussi se débrouiller seuls. Devenus fatalistes, craignant d'éventuels représailles, ils hésitent à demander des améliorations concernant leurs conditions de travail. Les mineurs les plus démunis n'ont d'autres choix que de se rendre sur les mines à l'abandon pour se procurer du bois ou des restes de charbon afin de se chauffer l'hiver. "Les cloisons de notre entreprise, c'est la seule chose que l'on nous a laissé, rien d'autre", confie un mineur de la mine Mejdoura, où a débuté la célèbre révolte, le 13 juillet 1989. A cette époque, les syndicalistes convaincus décrochaient les portraits de Lénine pour accrocher au-dessus de leur bureau, la Déclaration Universelle des droits de l'Homme issue de la Révolution française. Mais, les leaders syndicalistes influents de l'époque ont été placés dans les grandes administrations. 30% d'entre eux seraient ainsi devenus des hommes d'affaires.

Quant aux millions de roubles octroyés aux mineurs, ils auraient tout simplement disparu. "Il y a de l'argent à Moscou pour la fermeture des mauvaises mines et l'ouverture de nouvelles. Mais dans le Kouzbass, il n'y a aucune société de construction spécialisée pour l'installation d'équipement souterrain. Une grande partie de l'argent est ainsi détournée pour la construction de nouvelles banques non loin des cités minières abandonnées à leur sort", déplore le responsable syndical de la mine Raspadskaya. Le reste des crédits a toutefois été investi dans une infrastructure pour le moins surprenante, quoique utile et bénéfique pour la population locale. Les autorités de Leninsk-Kouznetskij ont en effet permis la construction d'une grande clinique pour la protection de la santé des mineurs, avec un service de traumatologie performant. Cette clinique dotée d'un matériel ultra-moderne a été construite en l'espace de quatre ans. Elle comprend aujourd'hui 16 services et 1400 salariés. Chaque année, les médecins soignent 4000 mineurs et reçoivent près de 20000 consultations. Un imposant bâtiment moderne qui reste unique dans cette immense région minière étalée sur 300 km d'Est en Ouest, et où l'avenir reste très incertain pour l'ensemble des mineurs.

Le faste de l'époque de l'URSS appartient au passé. Qu'il s'agisse des palais de la culture, des orchestres, des équipes de football, des stades, ou des sanatoriums, ils ont presque tous disparus ou fermés par manque d'argent. Il y a pourtant quelques exceptions. Preuve en est, la cité minière de Kedrovka (cité des cèdres), inaugurée en 1993 et construite par des spécialistes grecques. On peut y trouver un orchestre de jeunes mineurs, une salle de concert assez grande, un complexe sportif magnifique très convoité le week-end par les jeunes de Kedrovka ainsi que ceux de Kémérovo -capitale de la région minière du Kouzbass.

Par Max HUREAU