Par Céline Bayou (sources : Radio Praha, City Spy Prague, iDnes)
Bien connue des Pragois depuis son inauguration en 1930, la galerie d’art Mánes dont le bâtiment de style fonctionnaliste, situé sur un quai de la Vltava, enjambe une partie de la rivière, est dédiée jusqu’à aujourd’hui aux arts visuels sous toutes leurs formes. Ce lieu, le plus ancien à avoir exposé des œuvres d’art moderne à Prague, comporte une salle d’exposition de 300 m², des salles de réunion, un salon de thé et un restaurant. Considérée durant l’entre-deux guerres comme l’un des centres les plus vivants de la vie culturelle du pays, la galerie a vu ses activités interrompues après 1948. Sa renaissance depuis rime avec la multiplication d’expositions d’art contemporain et expressionniste, jugées inégales mais toujours objets d’attention.
Le 14 août, la rivière au pied de la galerie s’est brusquement teintée de rouge, après que des activistes aient démonstrativement versé des seaux de peinture depuis le bâtiment. Se revendiquant du groupe artistique Bolt958, ils souhaitaient symboliser par une galerie «perdant son sang» le mauvais usage actuellement fait, selon eux, du bâtiment. Ils reprochent en effet aux responsables de la galerie de louer trop fréquemment ces espaces pour des événements commerciaux bien éloignés de la fonction artistique de Mánes. Reebok, Ferrari ou Playstation sont des habitués du lieu désormais.
Attirés par l’événement, de nombreux passants ont profité de ce happening. Les petits bateaux qui se promènent sur la Vlata et viennent actuellement frôler la pieuvre géante installée dans la rivière par l’artiste Paluš Viktor se sont réjouis de le faire sur une rivière rougie. Appelés par les responsables de la galerie, les pompiers ont vérifié que la substance rouge n’était pas toxique et les policiers ont établi que les activistes n’avaient commis aucune infraction.
Au-delà de l’anecdote, cette initiative rappelle le malaise qui s’est installé depuis quelques années entre les responsables de la galerie et la communauté artistique qui reproche aux premiers leur mauvaise stratégie de communication et l’opacité de leurs décisions. Bolt958 réclame un débat ouvert, ce que le responsable administratif de Mánes, Petr Kuthan, s’est dit prêt à engager.
Ce happening bon enfant relève d’une tradition bien tchèque. Les artistes locaux n’hésitent pas, en effet, à faire preuve d’imagination pour exprimer leurs désaccords. C’est ainsi qu’en 2015, le groupe Ztohoven avait remplacé un des drapeaux qui flottent au-dessus du château de Prague par un caleçon rouge géant, ou que l’artiste David Černý avait installé à la surface de la Vlata un médius géant, le tout pour protester contre la politique du président de la République.